1. Ce diable d'homme !


    Datte: 03/05/2021, Catégories: portrait, Humour Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    ... ils vivaient. Son exposé sur la mort par le garrot restera dans la mémoire des participants comme un moment particulièrement éprouvant.
    
    Je me contentai pour ma part de distribuer des tracts en compagnie des nombreux volontaires qui nous avaient rejoints dans ce combat.
    
    Ajoutez à ces amusements les passages à la télévision et à la radio, afin d’y alimenter la polémique.
    
    Jean-Marie, alors, jugea le moment venu de frapper un grand coup.
    
    La télévision a rarement rediffusé ces images jugées « politiquement incorrectes ». On y voit le cher Jean-Marie guillotiner des lapins puis jeter à la caméra :
    
    « Maintenant, braves gens, vous saurez ce que c’est qu’une exécution ! »
    
    La guillotine, nous l’avions fabriquée l’avant-veille dans le garage de François Ravelais.
    
    La sanglante démonstration menée par l’ami Jean-Marie provoqua des remous, certes, mais pas ceux attendus. J’entends encore Jean-Marie ricaner : « Les pauvres petits lapins ! Voilà tout ce qu’ils sont capables de dire… Je leur parle, moi, d’êtres humains que l’on coupe en morceaux et eux ils me répondent : les pauvres petits lapins ! Merde, ils n’ont jamais mangé de civet, ces cons ? »
    
    Jean-Marie, aux mains rouges de sang, fut embarqué manu militari dans un fourgon de gendarmerie tandis que les uniformes cernaient sa machine de mort en priant vigoureusement les journalistes présents de tourner l’œil de leurs caméras vers d’autres cieux.
    
    Jean-Marie entama une grève de la faim. Nous l’avons imité, ...
    ... installés sous une tente face aux portes de la prison de la Santé. En parlant de santé, celle de Jean-Marie ne tarda pas à se dégrader. Un homme de cet âge et en piètre état physique ne cesse pas de s’alimenter sans s’exposer à de graves conséquences.
    
    L’avocat Robert Badinter, futur artisan de l’abolition de la peine de mort en France, lui rendit visite et tenta de le convaincre de renoncer à son jeûne.
    
    Une incitation relayée par nous tous :
    
    — Tu vas y rester, vieux. Et ça avancera à quoi ? Qui continuera le combat ?
    — Mais vous, mes cons ! Blague à part, je n’ai pas la moindre intention de passer l’arme à gauche.
    — On a déjà entendu cette antienne. Nombre de ceux qui l’entonnaient dorment aujourd’hui à l’ombre d’une croix de granit.
    — Ah, mais vous n’en avez pas assez de perdre votre temps ? Vous me connaissez, non ?
    
    Oh oui, nous te connaissons, obstiné vieillard ! Et précisément c’est pour cela que la peur nous serre les tripes : tu ne cèdes jamais, toi.
    
    Marie et Marie prennent le relais :
    
    — On ne veut pas que tu meures, tonton !
    — Mais je ne vais pas mourir, petites chéries !
    — Mais tu es tellement maigre !
    — C’est vrai, tonton, tu n’as plus que la peau sur les os. Regarde, Marie : on peut lui compter les côtes et, oh, regarde son « tu sais quoi », on dirait celui d’un petit garçon, maintenant.
    — Ne vous inquiétez pas : tout redeviendra normal quand je mangerai à nouveau.
    — C’est sûr ? Quand ?
    — Quand certaines personnes auront assez peur de me voir ...
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