1. Ce diable d'homme !


    Datte: 03/05/2021, Catégories: portrait, Humour Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    ... explications fumeuses dont il possède le secret, explication dont il ressortait :
    
    • que Fontaine, comme son nom ne l’indiquait pas, était juif, ce qui n’avait de toutes les façons aucune importance dans la question qui nous intéressait ;
    
    • que lui, Jean-Marie, avait pour habitude de connaître le dessous des cartes, ceux des tables, ceux des actrices et ceux des plats ;
    
    • qu’il avait connu Fontaine aux États-Unis où ce digne petit homme mettait ses talents au service de la politique la plus conservatrice de ce grand pays (grand par la géographie, nain par l’esprit) en défendant notamment de toutes ses forces la pratique de la peine de mort.
    
    J’objectai que justement, si cet homme est un tel partisan déclaré…
    
    Jean-Marie me coupa avec impatience.
    
    — Tu ne comprends décidément rien. Bien sûr, Fontaine va combattre mon projet. Il me déteste comme il déteste tous ceux qui possèdent le véritable talent et une âme et, soit dit en passant, il a depuis ce matin une raison de plus de me détester. Je lui ai bel et bien cassé le nez et ça fait très mal. Il va déployer la grosse artillerie pour contrer mes projets et la polémique va faire rage. Mais c’est comme cela, Jean, que fonctionne le monde et avancent les idées : il faut que l’on en parle. En bien, en mal, mais que l’on en parle. C’est au bruit plus qu’à grands coups de pieds dans le cul que progressent nos sociétés démocratiques.
    
    Il me fait peur. Il a le teint violacé et je me dis qu’il va mourir dans ...
    ... l’instant.
    
    Pour le couper dans cet emportement, je lui demande quel est son projet. Car projet il y a : cet homme paradoxal s’emporte, parle haut, explose dans cent directions mais, parallèlement, il élabore lucidement la marche à suivre pour atteindre ses objectifs. Une pensée à deux étages dont je m’avoue incapable.
    
    Il se laisse choir dans son fauteuil, bras et jambes écartés, reprend haleine et ses yeux pétillent.
    
    — Naturellement, mon Jean. Naturellement, j’ai réfléchi à la manière de procéder. Tu sais que j’ai l’esprit pratique. Et il m’est venu quelques petites idées.
    — Raconte-moi…
    — Je te l’ai dit. Nous allons faire un boucan d’enfer, avec notamment la gracieuse collaboration du sieur Fontaine. Nous allons gueuler, déranger le ronron d’une Société frileuse. Il n’y a que cela qui marche. Et mort à la guillotine !
    — Je me souviens, intervient Marie. On a commencé à s’en servir sous la Révolution, n’est-ce pas ?
    
    Marie, l’autre Marie, demande : « mais qui l’a inventée ? »
    
    — Guillotin.
    — Tu te moques de moi, ce n’est pas gentil !
    
    Nous nous récrions que c’est la vérité du Bon Dieu.
    
    Marie demande alors si l’inventeur de la mousseline s’appelait Mousselin.
    
    — Et l’inventeur de l’aspirine : Aspirin ?
    
    Nous rions un moment. Merci, petites chéries, d’égayer un sujet qui autrement ne prêterait guère à sourire.
    
    Avec plus de calme, Jean-Marie expose son projet.
    
    — Pour commencer, nous allons tous, chacun, écrire un texte sur le thème de la peine de mort. Je ...
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