1. Ce diable d'homme !


    Datte: 03/05/2021, Catégories: portrait, Humour Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    ... veux des histoires fortes, mal pensante, dérangeantes.
    — Nous ?
    — J’ai déjà exposé mon projet à François, Virgil et Alexandre : ils marcheront avec nous. Même le petit Hubeau.
    — Hubeau ? Vous avez réussi à faire bouger ce sauvage ?
    — Eh, quand on sait où le chatouiller… Le secret avec Hubeau, je vais te le donner : prends-le par l’orgueil et tu en feras ce que tu veux.
    — Et pourquoi pas Francine Billon ? Si on savait où la contacter…
    
    Il jubile :
    
    — Mais moi, je sais. Et je l’ai appelée… Elle marche avec nous. Normal, quand on a connu la prison…
    — Rien à voir avec le « couloir de la mort », tout de même…
    — Non, mais ça motive. Dis-moi, fils : peux-tu joindre Louis Manderin ?
    
    Je réponds par l’affirmative. Non que j’éprouve une passion sans borne pour ce malsain personnage. Mais, puisque nous cherchons des personnes populaires, capables de remuer l’opinion, il est indubitablement l’homme de la situation. Les Français aiment son image, outrée et mensongère, de rebelle au grand cœur. Le « bandit bien aimé », tu parles !
    
    Jean-Marie connaît mon opinion sur le personnage :
    
    — Eh oui, mon Jean : les outils ne sont pas nécessairement élégants. L’important est qu’ils fonctionnent.
    
    Nous nous regardons et nous éclatons de rire : quel outil, que cet homme-là !
    
    — Et lui, conclut Jean-Marie, je peux te prédire que s’il embrasse notre cause… Il va brasser de l’air !
    
    Au cours des deux mois qui ont suivi, nous avons été, tous, plus occupés qu’une bande de poules à ...
    ... qui on aurait donné un renard à garder.
    
    Tout d’abord, chacun devait fournir, selon le vœu de Jean-Marie, une histoire « forte, mal pensante, dérangeante ». Et ce diable d’homme plaçait la barre très haut. Il rejeta dédaigneusement nos premières propositions :
    
    — C’est tout ce que tu as à m’offrir, Jean ? On ne publie pas pour le Journal de Sophie, mon chéri !
    
    Ou :
    
    — Ma chère Francine, qui eût cru que vous cachiez une pareille âme de midinette ? Mais que c’est mièvre, ce que je viens de lire !
    
    Alternant cajoleries et vexations, il parvint, je crois, à tirer le meilleur d’entre nous.
    
    Même le texte signé par Louis Manderin « tient la route ».
    
    Le « bandit au grand cœur » n’est pourtant pas un écrivain de profession, tant s’en faut, mais il tient sa place dans cette série de récits dont vous sortirez avec soulagement. Oui, nous avons fait de la bonne ouvrage.
    
    Parallèlement, chacun de nous, selon sa personnalité, se livrait à quelque action d’éclat destinée à attirer l’attention des médias sur notre guerre.
    
    Louis Manderin enleva en plein Paris un procureur et pendant plusieurs semaines, il inonda la presse de photographies montrant le monsieur tenant la tête tranchée d’un condamné ou manipulant la guillotine. Le spectacle ne brillait pas par le bon goût, mais il fit parler de nous, ça oui !
    
    Francine convia les journalistes à des conférences de presse où, avec une violence paisible, elle leur livra sans le moindre effet de style un panorama du monde où ...
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