1. Michelle


    Datte: 25/03/2021, Catégories: portrait, Humour Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    ... Elle-même vit l’aventure politique comme un jeu, avec un cynisme rassurant.
    
    Tandis que ces messieurs rebâtissent non pas le monde mais le microcosme politique, nous parlons politique. Une autre politique, d’autres références, d’autres rêves.
    
    Désobéissance civile, par Henri David Thoreau, par exemple.
    
    Et ce vieux Fédor Dostoïevski… Le diable prit le prêtre par le collet, le leva dans les airs, et le transporta dans une usine, dans une fonderie de fer. Il vit là le travailleur courir et se dépêcher en avant et en arrière, travailler dans une chaleur étouffante. Très vite l’air écrasant et la chaleur en sont trop pour le prêtre. Avec des larmes dans les yeux, il supplia le diable : « Laissez-moi partir ! Laissez-moi quitter cet enfer ! »
    
    Je lui demande :
    
    — Que diable fais-tu parmi ces braves gens ?
    
    Elle sourit, mystérieuse, pose un index en travers de ses lèvres.
    
    Au cours des années qui suivront, les caciques du parti apprendront les dégâts que peut faire une bombe cachée dans les cales, juste sous la ligne de flottaison, une bombe à retardement qui s’appelle Nat.
    
    Elle parle très bas :
    
    — Je suis obligée d’attendre la fin de cirque pour partir. Tu m’attendras ?
    
    Je n’en éprouve que plus de hâte à voir les intervenants boucler leurs propos. Nat s’avance à son tour pour le discours de clôture. Je reconnais au passage, habilement maquillée, une citation appartenant à l’un de nos auteurs préférés : clin d’œil à moi adressé. Nous nous engouffrons enfin ...
    ... dans un taxi. Nous passons une nuit très simple, riante et rafraîchissante comme Nat elle-même. Vers le matin nous nous remettons à bavarder avec cette générosité légère que donnent l’amour et les heures de l’aube, acidulées et claires. Elle me propose de la seconder dans son œuvre de sabotage politique. Je balance. Le projet m’amuse. Mon cher père me reproche si souvent de ne rien faire d’utile…
    
    François Ravelais m’a encouragé à « entrer en écriture ». Il est devenu mon père spirituel. Cet homme « d’ultra-gauche » accueille le récit de ma soirée avec une joie bruyante. Cette forme de guerre « sous-marine » le ravit. Il regrette de ne pouvoir s’y livrer en personne mais ses yeux pétillent d’une manière que je connais bien…
    
    Nous changeons de sujet : il souhaite, mystérieux, me présenter quelqu’un. Il ajoute : tu devrais venir avec Michelle.
    
    Pas besoin de chercher des heures la réponse à cette énigme. Je m’exclame, joyeux :
    
    — Francine Billon !
    — Ta perspicacité m’impressionnera toujours, sourit-il.
    
    Francine Billon : un destin hors du commun.
    
    Francine naît et grandit dans ce petit paradis qu’est l’île aux Moines, dans le golfe du Morbihan. Son père, un haut fonctionnaire de police, est nommé en Corse. Peu après, il est « exécuté » en présence de sa fille : action attribuée aux autonomistes, lesquels s’en défendent. On évoquera alors la mafia. Le fonctionnaire aurait été en « affaires » avecCosa Nostra. Comme toujours en pareil cas les langues vont bon train : ...
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