Le disque de Ruellan
Datte: 06/12/2020,
Catégories:
sf,
Auteur: Claire Obscure, Source: Revebebe
... ?
Sans un mot, je me lève et lui tends ma main qu’il gratifie d’un baisemain irréprochable, les lèvres à quelques millimètres de ma peau. Je profite de la courte marche vers la piste pour l’examiner : plutôt bel homme, les tempes grisonnantes, quelques rides sur le front et au coin des lèvres ; il frise la quarantaine, mais je ne saurais dire par quel bout. Il a la démarche assurée d’un félin ; nul besoin de trop en faire, il maîtrise son espace. Les gens s’écartent naturellement sur son passage. Sont-ce des regards envieux que je devine chez les femmes ?
La musique change brusquement de rythme ; c’est un rock endiablé qui débute. Mes cours de danse sont loin, mais je parviens à tenir la cadence ; le cavalier y est pour beaucoup. Quand il me fait passer entre ses jambes puis me soulève de terre comme si j’étais un fétu de paille, je ne peux m’empêcher de rire en pensant à l’image que cela doit donner sur les camérasOudjat. La danse se termine, je suis essoufflée.
— Vous êtes si belle quand vous riez… Je suis heureux d’y être pour quelque chose. Enfin, j’espère.
J’incline très légèrement la tête, les yeux mi-clos et baissés, dans une attitude pudique contredite par le petit sourire que j’ai gardé.
Il me raccompagne à ma table ; je l’invite à s’asseoir. Il n’a pas fait un geste que du champagne nous est servi dans des flûtes en cristal d’une incroyable finesse.
— Vous n’avez toujours rien dit. Puis-je au moins connaître votre prénom ?
Les joues rosies par ...
... le champagne et la danse, je continue à lui sourire mystérieusement, mais je lui fais non de la tête.
— Il est vrai que je ne me suis pas présenté moi-même : John Ritter ; je suis l’heureux directeur de ce modeste établissement.
— Américain ? demandé-je, repérant avec son nom un très léger accent.
— En effet, et charmé par votre voix.
Je ne voudrais pas le brusquer, mais j’ai si peu de temps devant moi…
— Est-ce seulement par ma voix ? Vous n’êtes pas qu’une oreille attentive, et un fort bon danseur.
Je lève les yeux vers une caméra.
— Ah… Auriez-vous percé notre secret ?
— Le roi du plasma, dis-je.
— Oui, bien sûr. Le petit Zohan a un vrai talent pour trouver les perles rares. Il me faudra le remercier de nous avoir offert cette rencontre.
Estimant que j’ai assez avancé dans cette direction pour l’instant, je dévie un peu la conversation :
— Pourquoi moi ? Je suis sûre qu’il y a dans cette auguste assemblée des bijoux plus précieux dans des écrins non moins admirables.
Je sais en effet que les années en ZOO n’ont pas été tendres avec moi, que les coiffeurs et esthéticiennes dépêchés par l’Oligarque ont fait ce qu’ils ont pu avec ce qu’il restait. Autour de moi, il y a quelques jeunettes ayant vécu à l’abri d’EDEN, améliorées chirurgicalement et génétiquement pour être parfaites.
— Parce que vous êtes différente. Parce qu’il y a en vous une graine de folie que les autres n’ont plus, n’ont jamais eue. Oui, je sais beaucoup de choses sur vous grâce ...