1. Entre hier et avant-hier


    Datte: 07/09/2020, Catégories: nonéro, Auteur: Nicolas, Source: Revebebe

    ... la localité étalaient leur opulence discrète. « Centre ville » incontournable comme je ne tardais pas à l’apprendre, les deux cafés se faisaient face. Celui des jeunes et celui des vieux. Celui du Formica, du baby-foot et du juke-box, face à celui des chaises paillées, des guéridons en marbre et de la belote. Et aussi comme je l’ai appris plus tard, celui des gauchistes et celui des bien-pensants. Mais je pense que cette dernière classification était probablement fausse. Enfin cela faisait partie du folklore. Réparties autour de cette agora rurale, la boulangerie et ses pains au chocolat des sorties du jeudi et du dimanche, la pharmacie où selon ses besoins on se rendait en bande chercher du dentifrice, ou en couple ou solitaire chercher les préservatifs indispensables à toute activité sexuelle débutante et non protégée par la pilule (elle n’existait pas encore). Le lycée était mixte. Il y avait aussi une épicerie, point de passage obligé avant les sorties du dimanche après-midi pour les ravitaillements en liquide plus ou moins alcoolisés, un magasin de la coopérative agricole cantonale, dont le rayon chasse et pêche avait un grand succès auprès de certains, et le tabac journaux.
    
    Bien sûr il y avait d’autres commerces du même type ailleurs en ville, surtout des cafés, pensez donc une ville de deux mille cinq cents habitants, mais ce sont ces deux-là que j’ai le plus fréquentés et qui m’ont laissé le plus de souvenirs. Pas très loin de cette place, toujours sur le chemin ...
    ... du lycée, il y avait le restaurant du « coq hardi », par nous surnommé « chez la mère Claire » haut lieu de toutes les célébrations d’anniversaires, réussites aux examens et permis de conduire, abri des amours confirmées et des « couples » établis. Par la suite j’ai appris que la mère Claire, une veuve d’une petite quarantaine d’années, avait envers certains d’entre nous, sans exclusive de sexe du reste, des tendresses et bontés d’autant plus appréciées qu’elles n’étaient pas tarifées. Mais j’aurai l’occasion d’y revenir. À l’écart sur une autre place elle aussi abritée de platanes, un autre lieu des rencontres discrètes de notre petite communauté de lycéens : l’église. Nous y reviendrons aussi.
    
    Plantés au milieu des prés les quelques bâtiments des internats (deux pour les garçons un pour les filles), celui des salles de cours, et plus loin la ferme, donnaient à ce lycée une allure débonnaire et laissaient supposer une ambiance familiale. La voiture de mes parents se glissa donc entre les deux rangées de chênes qui bordaient l’allée d’accès et vint s’arrêter près du monument à la mémoire des anciens qui avaient donné leurs vies pour la défense d’une terre qu’ils n’avaient jamais revue. Ce jour-là il était facile de faire la différence entre les anciens et les nouveaux, entre novices et initiés. Les uns assurés et maîtres des lieux se dirigeaient sûrs d’eux et de leurs droits vers les dortoirs, heureux de se retrouver, le verbe haut, le rire sonore. Les autres, comme moi, à ...