La lettre
Datte: 29/07/2020,
Catégories:
hplusag,
nopéné,
Auteur: Oxalis, Source: Revebebe
... touchant pour la première fois d’une façon intime. Oui, mais je ne veux pas. Je ne veux pas qu’il m’embrasse. Mon souffle tenu reste entre nous comme une promesse. Adam me dévore des yeux.
Il a volontairement fait basculer toute l’amitié qui nous lie vers un sentiment trouble, fait de désir assez étrange et de frustration, car l’un comme l’autre, nous savons que nous ne pouvons pas régler la question en allant simplement au lit, c’est impossible. Et je pense qu’aucun de nous deux ne pourrait aller jusqu’au bout. C’est inconcevable. Du moins pour moi.
Ou peut-être est-ce à ce moment-là que tout commença entre nous. Je ne sais plus.
Nous nous regardons, les yeux mouillés de désir. Puis il lâche ma main, sans me quitter des yeux. J’éprouve alors le sentiment qu’on vient de m’offrir un cadeau pour me le reprendre aussitôt.
Mon corps tout entier tremble terriblement.
— Excuse-moi, dit-il alors, calmement, d’une voix très basse, un peu étranglée même.
Et il rompt enfin le contact visuel, le tourment qui nous agite, regardant stupidement son attaché-case. Qu’il pose contre le mur une seconde plus tard. Il m’évite des yeux maintenant.
— Tu veux rester ? je demande, étourdiment.
Il me jette un coup d’œil, regarde à nouveau son attaché-case qu’il vient de poser sans y penser, et ébauche un sourire contraint.
— Je ne sais pas trop. Personne ne m’attend…
Je me mords les lèvres.
— Il y a longtemps que tu… commencé-je mais je ne peux finir ; il lève la ...
... main pour m’arrêter ; il a compris.
Il raccroche sa veste au portemanteau, enfonce ses mains dans ses poches de jean, et se tourne vers moi, un sourire distant aux lèvres. Comme statufiée près de la porte, je le fixe sans faire un mouvement, me sentant pire que crétine, mais je ne peux plus bouger, c’est au-dessus de mes forces.
Il me considère un instant de son regard à la fois attentif et… vide, un regard qui m’avait toujours paru énigmatique, puis il se dirige vers ma fenêtre et observe la ville qui s’active, quatre étages plus bas.
— Ça fait deux ans, répond-il enfin, avec indifférence.
Un brusque petit remous de colère envahit mon esprit, et je prends sur moi pour n’en rien laisser paraître, car il s’est détourné de la fenêtre pour me regarder à nouveau.
Ce petit courant furieux me redonne de l’énergie et je peux faire quelques pas avant de tomber sur mon lit, regardant fixement le tapis, devant moi.
— Tu ne m’en as rien dit, dans tes lettres, dis-je sur un ton que j’espère le plus neutre possible.
Du coin de l’œil, je le vois hausser les épaules. Le silence est à certains moments quasiment insupportable entre nous ; ce silence-là en fait partie.
— Je ne pensais pas que ça t’intéresserait, murmure-t-il. Cela ne te concernait pas.
Je me souviens alors que c’est à cette période que je recevais de lui environ une lettre par mois. Ce qui me soulage un peu. Il a eu besoin de s’appuyer sur quelque chose, et j’espère bien lui avoir offert un réconfort ...