La lettre
Datte: 29/07/2020,
Catégories:
hplusag,
nopéné,
Auteur: Oxalis, Source: Revebebe
... les yeux fixés sur mes mains.
— Veux-tu que je l’ouvre à ta place ? propose-t-il enfin.
Je lui aurais sauté au cou !
— Oui, s’il te plaît… chuchoté-je en le regardant, une montée de tendresse m’envahissant.
Il décachette l’enveloppe, sans cesser de me jeter des coups d’œil pensifs. Il en sort une grande lettre, la déplie lentement ; je ferme très fort les yeux. Quelques minutes, atroces et tragiques, s’écoulent.
— Élyne… ça ne veut rien dire, tu sais… déclare-t-il soudain.
J’ouvre brutalement les yeux, fixant Adam avec désespoir. J’ai l’impression que la déception et le découragement ouvrent mon cœur en deux. Des larmes irrésistibles me montent aux yeux. Adam me considère un instant en souriant largement, me tendant la lettre, que je prends d’une main qui tremble affreusement.
Je lui en veux de prendre ça avec tant de légèreté !
— Je m’en doutais, dis-je d’une voix que je veux rendre froide et ferme.
Raté. Elle est enrouée et chevrotante.
— Tu sais, un jour peut-être, je pourrais… continué-je avec courage.
Adam m’interrompt.
— Lis avant de parler, lance-t-il.
Il a un regard étrange. Il se lève brusquement, va prendre sa veste, l’enfile, range mon manuscrit dans son attaché-case, se tourne vers moi, qui l’observe, déconcertée et triste. Puis il sourit.
— Tu t’en vas ?
C’est plus une constatation qu’une ...
... véritable question. Je suis tellement déçue que finalement, j’aurais apprécié encore un peu sa compagnie.
— Oui, répond-il brièvement.
Il pose la main sur la poignée de la porte, semble hésiter, se tourna vers moi. Je le fixe avec détresse. Il s’approche alors, attrape mes mains et me tire vers lui, m’obligeant à me lever.
Puis il m’attire contre son corps et me serre dans ses bras.
— Je n’ai jamais douté de toi, murmure-t-il dans mes cheveux. Sors ce soir, va t’amuser. Tu le mérites. Moi, je suis trop vieux pour aller m’amuser avec toi.
Je m’appuie contre lui, malgré tout heureuse de sentir ses bras autour de moi.
— Tu n’es pas trop vieux, dis-je à voix basse.
Il rit doucement.
— Si, malheureusement. À bientôt, Élyne.
Il me lâche, s’écarte, recule jusqu’à la porte, l’air heureux et satisfait, puis il ouvre le battant, et se glisse dans le couloir. Je l’entends rire bruyamment. Il se fout de moi ou quoi ?
Je me mets à parcourir la lettre d’un regard frénétique. Ah, le salaud ! Il m’a fait marcher ! Ma nouvelle va bel et bien être publiée dans la revue la plus en vue des éditions Lamarmouse !
Je m’effondre sur le lit, cherchant ma respiration. J’ai envie de bondir jusqu’au plafond. La lettre tombe par terre. Je m’allonge, les yeux remplis d’étoiles, et me mets soudain à rire, à rire, de bonheur, sans pouvoir m’arrêter !