1. La lettre


    Datte: 29/07/2020, Catégories: hplusag, nopéné, Auteur: Oxalis, Source: Revebebe

    ... minime en lui répondant, moi aussi, le plus souvent possible.
    
    — C’est vrai, je concède. Mais je suis heureuse que tu me l’aies dit aujourd’hui.
    
    Sans même que j’aie besoin de le regarder, je sens qu’il s’est raidi. Sa voix, lorsqu’il me répond, est d’ailleurs un peu sèche :
    
    — À cause de ce qu’il y a entre nous, n’est-ce pas ? dit-il rapidement.
    
    Je sursaute et m’en veux aussitôt. Qu’a-t-il aujourd’hui, à me prendre au dépourvu avec ses remarques intimistes ?
    
    — Il n’y a rien entre nous, répliqué-je d’une voix qui, je le crains, est assez froide et trahit mon irritation, ma gêne, et ma surprise.
    
    Sans répondre, il s’approche, prend une chaise, la retourne et s’assoit à califourchon, face à moi ; puis il plante ses yeux dans les miens, et il ne sourit pas. Je ne peux en tout cas rien deviner de ses pensées.
    
    — En es-tu vraiment certaine ? demande-t-il tout simplement, semblant amusé.
    
    Je soupire et le regarde un instant, puis inconsciemment, mon regard tombe sur la terrible enveloppe blanche, sur le lit, juste à côté de moi. Je l’observe avec attention. Pourquoi ne l’ouvrirait-il pas à ma place?
    
    Maintenant, le désir de savoir ce qu’elle contient me démange, mais je sais avec une certitude hallucinante que là encore, je ne pourrai pas l’ouvrir.
    
    Je soupire derechef, essayant de me concentrer sur ce que dit Adam. Apparemment, il a patiemment attendu que je revienne à lui pour poursuivre :
    
    — Est-ce que tu penses que tu aurais dit cela s’il n’y avait ...
    ... rien eu entre nous ? fait soudain remarquer Adam, d’une voix ironique, cette fois.
    
    Le son de sa voix me rappelle d’une façon écrasante et éprouvante le poids de sa présence, que j’ai presque pu oublier en contemplant la lettre. Sa phrase, elle, me plonge dans des tourbillons d’incertitude et d’étranges visions de meurtres ; je lève prudemment les yeux, envahie par la colère, et le fixe avec impuissance. De quel droit débarque-t-il dans ma vie intime en s’appropriant un lien, aussi futile que fragile par sa brièveté, avec moi, mon esprit, mon cœur, mon corps ?
    
    Demain, ce soir, lorsqu’il serait parti, il n’y aurait plus aucun souvenir de lui dans mon studio et ce prétendu lien serait dispersé aux quatre vents par la tempête monotone du quotidien habituel. Je le hais.
    
    — De quelle sorte de lien parles-tu ? répliqué-je enfin avec une lassitude qu’il devine, et qui le surprend, à en juger par son haussement de sourcils. Prétends-tu que j’éprouve pour toi un sentiment amoureux ?
    
    Ceci dit avec sécheresse. Il demeure immobile, et lentement, un pli pensif vient barrer son front. Je le jauge du regard.
    
    — Il existe un lien entre nous, quoique tu en dises. Même au lycée, nous le sentions. Peu importe le nom que tu lui donnes, je n’en ai pas besoin, moi. Peut-être même qu’il n’y a pas de nom pour qualifier ce que nous ressentons. Et te cacher la tète dans la sable équivaudrait à ignorer que le trou de la couche d’ozone s’agrandit.
    
    Je me sens plus en colère que jamais et le ...
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