1. La lettre


    Datte: 29/07/2020, Catégories: hplusag, nopéné, Auteur: Oxalis, Source: Revebebe

    ... annonce qu’elle a enfin trouvé le prince charmant.
    
    — Et toi ? demande-t-il alors, plantant directement ses yeux dans les miens, souriant vaguement.
    
    Primo, je prends conscience du fait qu’il vient de me tutoyer, comme au temps du lycée où nous avions été si proches quelques fois.
    
    Deuxio, je prends conscience du fait qu’il y a une note d’anxiété dans sa voix, comme s’il redoute que je réponde « oui ». Mais c’est sûrement mes neurones qui débloquent. À cause de cette foutue lettre.
    
    Je considère néanmoins Adam avec une certaine surprise.
    
    — Non, je n’ai pas vraiment la tête à cela, rétorqué-je, baissant le ton. Ça ne me manque pas, d’ailleurs. Au fait, votre femme va bien ?
    
    J’ai sciemment posé cette dernière question, histoire de le ramener sur terre s’il s’égare un peu trop dans ma vie privée. L’espace d’une seconde, je m’en veux atrocement, me demandant s’il va mal le prendre. Nous avions toujours eu une espèce de contrat moral entre nous : il n’évoquait pas mon intimité, je n’évoquais pas la sienne, et chacun conservait son respect envers l’autre.
    
    Mais ce qui se passe maintenant est loin d’être aussi simple. Adam se renverse dans sa chaise, boit une longue gorgée de café, me regarde d’un air froid et distant, et reste immobile ainsi, à me jauger du regard, pendant quelques secondes. Je m’agite sur mon siège, extrêmement mal à l’aise.
    
    — J’ai divorcé, annonce-t-il subitement, d’une voix neutre, sans sourire ni rien du tout.
    
    Il semble regarder comme à ...
    ... travers moi. Puis il finit son café. Je me trouve cruche.
    
    — Ah bon.
    
    Je n’entrevois pas d’autre réponse possible, pour le moment. Complètement désorientée, je regarde ailleurs en rougissant. Adam pose sa tasse, me vrillant de ses yeux clairs. Ne semble pas saisir pourquoi je parais soudain tellement perdue. Je le lis dans ses yeux.
    
    — Je suis désolée, ajouté-je, tardivement. Vous vous doutez bien que si j’avais su…
    
    Je ne finis pas ma phrase. Silence. Soudain, il me fait encore ce sourire un peu taquin. Je me détends imperceptiblement.
    
    — N’en parlons plus, dit-il, et sa voix est redevenue assez chaleureuse.
    
    Je n’ose pas lui demander depuis combien de temps. Sans vraiment réfléchir je dis alors que l’amour ne dure jamais. Il n’est pas d’accord, pourtant. Comme avant, quand nous discutions passionnément sur un sujet, il y a trois ans, nous nous lançons dans une conversation à n’en plus finir, violente et amusante, où je ris parfois jusqu’à en pleurer.
    
    La nuit est tombée depuis longtemps lorsqu’il se lève et suggère qu’il devrait partir. Nous avons bu au moins cinq tasses de café chacun. Je ne vais pas pouvoir dormir de la nuit !
    
    Je regarde l’heure et m’aperçois que ça fait plus de deux heures qu’il est chez moi. Je lui fais un sourire contraint. Bien sûr, il a sûrement envie de s’en aller à présent.
    
    — Je ne veux pas te retenir, lui dis-je, d’un air désolé.
    
    Il semble remarquer mon air déçu. Se met à rire. Je souris malgré moi. Malgré – ou peut-être grâce ...
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