La lettre
Datte: 29/07/2020,
Catégories:
hplusag,
nopéné,
Auteur: Oxalis, Source: Revebebe
... embrasser ma peau avec délicatesse. Je frémis, surprise, confuse… troublée.
— Adam… murmuré-je d’une voix faible.
Rien d’autre ne me vient à l’esprit.
— Qui as-tu croisé ? fait-il, la voix étouffée, sans paraître m’avoir seulement entendu.
Je déglutis. Les yeux fermés. Je ne peux pas croire à ce qui nous arrive. Comment avons-nous pu en arriver là ?
— Ton ex femme, articulé-je soigneusement. Catherine.
Il se raidit. Je sens son corps s’appuyer contre moi. Je tremble de tout mon corps, le souffle retenu quelque part entre ma poitrine et ma gorge.
— Oh.
Tiens. Il aurait dû me lâcher en entendant le nom de son ex femme. Je l’entends soupirer et il me lâche. Je me traite mentalement d’imbécile. Comme je le connais bien, finalement !
Je me retourne avec les sandwiches et lui tends le sien ; il le prend sans me regarder, en me remerciant d’une voix neutre et quasiment indifférente. Puis il revient se poster devant la fenêtre et s’absorbe un long moment dans la contemplation de la ville. C’est plus fort que moi : je me dirige vers la chaîne stéréo et mets un CD sur la platine pour combler ce silence qui, une fois de plus, devient insupportable.
Il se retourne et me regarde un instant en souriant d’un air énigmatique, puis il mord dans son sandwich à belles dents, et parcourt mon studio des yeux.
— Tu sais, parfois… commence-t-il.
— Oui ? fais-je poliment, réglant le volume de la chaîne, sans le regarder.
Son silence me fait lever la tête et je ...
... me heurte avec stupeur à son expression atrocement désespérée. Il s’aperçoit alors que je tire une drôle de tête et son visage se détend, alors qu’il sourit à moitié. Mais ses yeux sont tristes. Je me rappelle soudain combien ses yeux ont déjà été tristes, au lycée. Tellement souvent. Il semblait regarder au loin, perdu dans des réflexions, et ses yeux étaient tristes. Comme j’aurais aimé effacer cette tristesse… Comme j’aurais aimé le consoler… Comme j’aimerais oublier cette affection qui nous lie, et comme il m’agace !
— Adam, je t’écoute, dis-je doucement, le fixant intensément.
Il m’effleure du regard, comme s’il se rappelait subitement de ma présence.
— Parfois, j’ai envie de tout lâcher… me confie-t-il d’une voix lointaine, m’évitant des yeux. De demander pourquoi mon mariage a échoué… Pourquoi le temps s’écoule si vite alors que j’ai tant de projets en tête et tant d’idées à construire… Parfois c’est comme si la terre s’arrêtait de tourner, et je reste là, hésitant, fatigué, incapable de la remettre en route et d’apprendre à aimer la vie que je mène… C’est tellement frustrant.
Il secoue la tête, d’un air de regret.
Puis il me regarde.
— Parfois, je hais mon métier, ajoute-t-il avec lassitude. J’ai 39 ans, je suis seul, seul dans la vie, dans ces voyages que je continue à faire bien qu’elle ne soit plus là… Parfois, une amie comme toi… une amie comme toi, ça me manque. J’ai l’impression que je peux tout te dire (il me fixe d’un air presque ironique, les ...