1. La miraculée


    Datte: 15/04/2020, Catégories: fh, hplusag, nonéro, Auteur: Divine, Source: Revebebe

    ... semaines de plus, durant lesquelles j’aurais l’extrême avantage de gober des doses d’antalgiques plusieurs fois par jour.
    
    — D’après les pompiers, c’est un miracle que vous vous en soyez tirée, ajouta l’infirmière.
    — J’ai eu beaucoup de chance, on dirait…
    — Plus que ça, je pense.
    
    Je demandai si on avait prévenu mes parents, mes collègues. L’hôpital était assailli de coups de fil à mon sujet, me répondit-elle. En attendant que je sois en mesure de donner moi-même de mes nouvelles, ils avaient rassuré tout le monde. J’avais hâte que la soignante quitte la pièce pour appeler ma famille. Avant de sortir, elle m’annonça qu’il y aurait probablement un article sur l’accident.
    
    — Un journaliste del’Indépendant est passé. Imaginez donc, il voulait vous interviewer ! On l’a refoulé, bien sûr.
    
    Je passai la demi-heure suivante au bout du fil avec mon père, ma mère étant déjà en route pour Perpignan. Puis je parlai quelques minutes avec mon frère, le rassurant comme je pouvais, avant d’appeler la proviseure du lycée de Lancroix, une Catalane pure souche, à l’accent rocailleux. Tout le monde était soulagé de savoir que je m’en étais tiré à si bon compte. Puis elle m’annonça que l’enterrement de mes deux collègues était prévu pour mardi, sur Perpignan. Je me jurai d’être présente.
    
    Avec précaution, je descendis du lit médicalisé. Ma tête se mit à tourner dès que je posai le pied sur le dallage froid. Je crispai les mâchoires, attendant que ça passe. Les fesses à l’air - ...
    ... évidemment, ma blouse n’avait pas de partie dorsale - je fis quelques pas rapides en direction de la petite salle d’eau, espérant ne pas me faire surprendre dans cette tenue. C’était plus fort que moi, j’éprouvais le besoin viscéral de me regarder dans la glace. Peut-être pour me persuader que j’étais bien vivante et, surtout, encore en un seul morceau.
    
    Le miroir me renvoyait une image plutôt plaisante, celle d’une brune de vingt-huit ans, à l’allure sportive, aux cheveux courts dépassant à peine du bandage qui lui ceignait la tête. Je défis ma blouse pour détailler mes meurtrissures. Entre les seins, là où la ceinture de sécurité avait frotté, une oblique violacée me barrait le torse. Je fermai les yeux, repensant à ces instants terrifiants. Une terreur rétrospective m’assaillit ; je n’avais pas eu plus de prise sur les évènements qu’une poupée de chiffon.
    
    On frappa soudain à la porte. Avant que je n’aie le temps de rejoindre mon lit, quelqu’un entra dans ma chambre. Le pompier de cette nuit ! Je bondis sous les draps. Rougissant, il détourna la tête. Je suppose qu’il n’ignorait plus rien de la façon dont j’étais faite, à présent.
    
    — Ben merde ! Vous auriez peut-être pu attendre que je réponde, non ?
    — Je … je suis désolé, on m’avait dit que vous dormiez…
    — Qu’est-ce que vous voulez ? le coupai-je, mordante.
    — Simplement m’assurer que vous allez bien.
    
    Il avait de très beaux yeux noirs. Plutôt joli garçon, d’ailleurs. J’esquissai un sourire.
    
    — Le diable n’a pas ...
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