La collègue est morte
Datte: 07/04/2020,
Catégories:
nonéro,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... enfin qu’elle tenait toujours ses tomates dans les mains, et qu’elle avait encore été victime d’une hallucination.
Elle lâcha les tomates, comme dans un état second, et le bruit qu’elles firent au contact du carrelage lui fit irrémédiablement penser à un morceau d’organe plein de sang qui éclate sur le sol. Une violente nausée lui tordit le ventre, et monta dans sa bouche en effluves amers et étouffants. Elle se précipita au-dessus de l’évier et vomit, toussant, pleurant en même temps.
Quand elle se sentit en meilleur état, elle pivota sur ses talons et se rendit en titubant à sa chambre. Maladroitement, elle se déshabilla, baissa le store de la fenêtre pour calfeutrer la lueur de la pleine lune (ne disait-on pas que les rayons de la pleine lune propageaient des ondes négatives sur les êtres vivants et pouvaient être la cause de troubles organiques néfastes pour la santé ?) et écarta les draps de son lit. Ensuite, elle entra dans la salle de bain, contiguë à sa chambre, et se regarda dans le miroir. Elle avait les traits tirés, avec de grands cernes violets sous les yeux. Son visage était très pâle.
Et quand elle fit une rapide toilette, ses mains tremblaient de nouveau.
Comment pouvait-on perdre l’esprit en si peu de temps ? Comme elle aurait voulu que David soit là. Que Tamia ne soit pas morte. Ou alors, que ce ne fut pas elle la responsable de cette mort. Oui, c’était peut-être une réflexion dépourvue d’humanité, mais Mina aurait préféré apprendre la mort de ...
... son amie d’une façon étrangère.
Elle retourna dans la chambre, prit un pyjama dans l’armoire (cadeau de David), l’enfila et se dit qu’elle avait oublié de se laver les dents. Elle retourna dans la salle de bain, de sa même démarche chancelante, comme si elle était ivre. Elle avait l’impression d’évoluer dans un brouillard épais et confus. Tout était trouble autour d’elle, et les objets perdaient leur consistance devant ses yeux, leur contour comme effacé, dissipé par ce brouillard.
Arrivée dans la salle de bain après un court trajet extrêmement pénible, elle prit son tube de dentifrice, sa brosse à dents, et s’apprêtait à se les laver lorsqu’elle s’aperçut que ce dentifrice était de cette couleur qu’elle abhorrait, rouge sang.
Évidemment, c’était David qui avait fait les courses – exceptionnellement bien sûr – et il l’avait acheté à la fraise. Quel gamin ! Elle n’eut pas le courage de mettre ce… truc rouge dans sa bouche, et elle reposa tout, dentifrice et brosse à dents, avec un soupir las. Puis elle se rinça le visage à l’eau froide, se moucha, passa une serviette sur ses joues pour sécher les larmes qui persistaient à remplir ses yeux et à investir le coin de sa bouche de leur goût salé.
Elle resta un moment encore devant le lavabo, les yeux dans le vague, pensant au destin qui nous attendait tous, devenir fou ou mourir… peu à peu, un facteur extérieur parvint à trouver un chemin dans son esprit égaré, et elle pensa qu’elle avait froid aux pieds. Baissant les ...