1. La collègue est morte


    Datte: 07/04/2020, Catégories: nonéro, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    Au début, la révélation la choqua à un tel point qu’elle resta immobile sur le bitume, la mâchoire pendante, les yeux fixes. Puis peu à peu, la réalité, lavérité, s’imposèrent à elle, et elle se mit à trembler.
    
    Des gens parlaient, criaient autour d’elle. Ils la montraient du doigt, déjà.
    
    Elle, ne parlait pas, ne bougeait pas, ne pensait pas.
    
    Un long moment s’écoula avant qu’elle ne réagisse.
    
    Elle recula lentement, entendant comme à travers une sorte de brume compacte le bruit des sirènes d’ambulances.
    
    Le sang spongiait sur le goudron de la route ; la flaque rouge s’élargissait, s’élargissait, devenait mer de sang… elle avait le crâne fêlé, et le liquide imprégné de cervelle suintait par la plaie béante et écarlate.
    
    Le visage était couvert de rouge lui aussi. Les yeux, le nez, la bouche, tout était submergé de sang, jusqu’aux superbes cheveux blonds qui étaient souillés par le liquide poisseux, sombre.
    
    Mina recula encore, et vit avec une horreur grandissante que la flaque rouge, comme animée d’un esprit propre, s’étalait de plus en plus loin sur le bitume, touchant même le bout de ses propres chaussures.
    
    Elles étaient imbibées de sang.
    
    Il y eut comme un déclic dans le cerveau de Mina, qui réalisa enfin que c’était Tamia, là, écartelée sur la chaussée, la tête ruisselante de sang par la large blessure, qui courait de la tempe jusqu’à l’arrière de la nuque.
    
    C’était Tamia.
    
    Un moment après, peut-être quelques secondes, peut-être quelques siècles, ...
    ... Mina poussa – s’obligea à le faire – la réflexion encore plus loin dans le cadre pour l’instant très limité de ses pensées. Elle se rendit finalement compte que non seulement c’était sa collègue de travail – sa meilleure amie – allongée devant elle à ses pieds (ses pieds pleins de sang) mais qu’en plus c’était elle, Mina Hendrowks, qui avait été au volant de la voiture quelques minutes plus tôt.
    
    Deux hommes en blouse blanche pénétrèrent soudain dans son champ de vision. Elle les regarda s’accroupir dans la mer de sang, avec une hâte digne d’éloges, se pencher sur Tamia, la palper délicatement. L’un d’eux secoua alors la tête en poussant un soupir las.
    
    — Elle est morte, dit-il.
    
    Mina ne sut pas exactement à qui il s’était adressé. Était-ce aux trois policiers qui venaient d’apparaître sur la scène du drame, à elle-même, ou au groupe de badauds qui s’était rapidement formé et qui encerclait à présent le cadavre, malgré les ordres des autorités ?
    
    — Tamia ? demanda-t-elle.
    
    Comme dans un rêve.
    
    Et sa question – si c’en était une – sembla rester en suspens dans l’air. On aurait dit qu’elle attendait une réponse.
    
    Qui ne viendrait pas, évidemment.
    
    Vaguement, elle comprit à l’agitation de la foule que les policiers repoussaient les gens et isolaient le lieu de l’accident avec des barrières de sécurité.
    
    L’atmosphère était comme saturée d’horreur, se pressant en volutes latentes et trompeuses autour de Mina, qui avait du coup du mal à respirer. Ses mains étaient ...
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