La collègue est morte
Datte: 07/04/2020,
Catégories:
nonéro,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... d’important ne lui passait par la tête. Et elle confondait des paquets de chips vides avec du sang visqueux.
Tout cela était ridicule.
Même s’il n’y avait personne pour l’observer (malheureusement), elle sesentait ridicule.
Elle soupira. Elle devrait se changer les idées. Sortir. Voir des gens. Ou regarder la télé.
Encore une fois, l’inconscience de ses pensées la fit frémir et elle eut envie de rire, hystériquement. Tamia était morte, bon sang, morte, et elle pelait des tomates en se disant qu’il fallait qu’elle voie du monde et s’amuse ! C’était incroyable…
Mina était seule dans un appartement vide, seule avec le cadavre de Tamia dans son esprit, avec le sang de Tamia, avec la mort de Tamia.
Le ronronnement de la pompe de l’aquarium la rappela à l’ordre. Elle regarda ses poissons rouges. Eux au moins ne découchaient jamais. Finalement, elle n’était pas tout à fait seule.
Comme si ses pensées étaient reliées ensemble et toujours fixées au même cercle vicieux, Mina se dit de nouveau qu’elle ne devrait pas rester seule alors qu’elle venait d’écraser sa meilleure amie.
En temps ordinaire, elle aurait justement appelé Tamia pour qu’elle la réconforte (combien de fois l’avait-elle fait aux premiers temps de son mariage, lorsque David ne rentrait pas de la nuit ?) et Tamia serait venue chez Mina, et elles auraient discuté pour faire passer le temps plus vite. Mais Tamia était morte et par ce fait, Mina n’était pas en temps ordinaire.
C’étaient plutôt ...
... des instants extraordinaires, qu’elle avait vécus aujourd’hui, des choses qui ne devraient pas se produire, des choses qui ne devraient pas exister, des choses étrangères à la logique et au raisonnement.
Qui avait inventé la voiture ? Pourquoi les gens traversaient-ils les routes sans regarder ? Qu’est-ce que Tamia foutait là ?
Mina pensa que ce n’était pas bien de rester dans son appartement à peler des tomates pour l’omelette du dîner, vu qu’en plus elle n’avait pas faim.
Toute seule.
Et terrifiée.
Le coup de téléphone lui revint en mémoire. « N’y pense plus, Mina, n’y pense plus », se répéta-t-elle. C’était seulement un pauvre crétin qui avait voulu lui faire une blague, tout simplement, et qui l’avait faite le mauvais jour au mauvais moment avec la mauvaise personne. C’est David qui aurait dû décrocher. Mais David n’était pas là. David n’était jamais là.
« N’y pense plus ». Elle n’y pensa plus…
Au contraire, autre chose d’aussi – sinon plus – épouvantable s’imposa à elle. Elle voyait le corps désarticulé sur le macadam, comme une vulgaire poupée de son, et tout ce sang, partout… sa vision se brouilla. Elle baissa les yeux. Et faillit s’étrangler, en même temps qu’un hurlement d’effroi jaillissait de sa gorge. Elle avait du sang sur les mains ! Elle était tellement terrorisée qu’elle resta sans bouger, comme une statue de pierre, à fixer ses mains rouges et dégoûtantes.
Après environ trois minutes de terreur et de pétrification totale, elle s’aperçut ...