1. Les feuilles mortes


    Datte: 15/02/2020, Catégories: fh, médical, forêt, amour, pénétratio, mélo, Auteur: Radagast, Source: Revebebe

    ... une femme plus tout à fait vivante, mais pas tout à fait morte.
    
    Les fêtes de fin d’année passèrent, rythmées par mes visites à l’hôpital. Je fêtai le Nouvel An avec les infirmières et Évelyne, la responsable du service, nous faisant la bise et buvant une coupe de champagne.
    
    Je me voyais en Prince Charmant venant réveiller la Belle au bois dormant. Que je lui lisais. Je me gardais bien toutefois de l’embrasser. Par timidité et respect.
    
    Je ne négligeais pas pour autant mes autres « clients », venant passer une journée entière à l’hôpital, de neuf heures à vingt-et-une heure trente. Parfois à la limite de l’extinction de voix.
    
    Notre expérience attirait beaucoup de monde. Des pontes d’autres services vinrent aux renseignements, certains sceptiques, d’autres intéressés.
    
    Mais mes malades, eux, avaient une confiance absolue en mes possibilités. Ils entretenaient le ferme espoir que si cette jeune femme se réveillait, eux aussi pouvaient guérir.
    
    Voulant rester dans la ligne des rêveurs et des poètes, je continuai avec Mathias Malzieux.
    
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    En cette mi-janvier, je choisis de me lancer dans la poésie.
    
    Mignonne, allons voir si la rose…
    
    Ce poème de Pierre de Ronsard me semblait parfait. Au contraire de la rose de la poésie, elle ne pouvait, elle ne devait pas se faner.
    
    Je la touchai pour la première fois. Comme pour lui insuffler de la force, je lui pris la main.
    
    « Réveille-toi » lui disais-je. Je réchauffais ses petits ...
    ... doigts inertes et fragiles entre mes grosses paluches calleuses, faites pour marteler des arbres ou fendre mon bois de chauffage à coup de merlin.
    
    Sans m’en rendre compte, j’éprouvais de la tendresse envers cette jeune femme.
    
    « Il ne faut pas ! » m’aurait dit Michelle. Oui, mais j’étais – et suis encore – un gros ours sentimental.
    
    Au début je restais un quart d’heure à lire ; j’en étais maintenant à une heure et demie.
    
    Je passais des heures à imprimer des poésies, de Chénier à Apollinaire, de Vigny à Baudelaire ; je sélectionnais ce qui me semblait approprié.
    
    Michelle m’aurait dit que je m’investissais trop, que je laissais mes émotions et sentiments parler ; mais qu’y puis-je ? On ne se refait pas.
    
    J’évitais les poètes étrangers : Jean Cocteau disait qu’un poème traduit est un clair de lune empaillé.
    
    Et puis vint Prévert.
    
    L’oiseau qui vole si doucementL’oiseau rouge et tiède comme le sangL’oiseau si tendre l’oiseau moqueurL’oiseau qui soudain prend peur…L’oiseau qui vole si doucementC’est ton cœur, jolie enfantTon cœur qui bat de l’aile si tristementContre ton sein si dur, si blanc.
    
    Dehors, la tempête sévissait. « Il pleige », comme on dit en occitan ; un mélange de pluie et de neige frappait violemment les fenêtres de la chambre. En cette fin février, il me semblait adéquat de lui lire je ne sais pour quelle raisonLes feuilles mortes.
    
    J’avais à peine besoin de lire, tant j’en connaissais les rimes.
    
    Oh ! Je voudrais tant que tu te souviennesDes ...
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