Les feuilles mortes
Datte: 15/02/2020,
Catégories:
fh,
médical,
forêt,
amour,
pénétratio,
mélo,
Auteur: Radagast, Source: Revebebe
... l’habitude, je ne m’y étais jamais fait.
Tout d’abord, pourquoi ce genre de démarche ?
Plusieurs raisons, je crois ; mais la principale : le remords.
Remords d’avoir laissé un être proche seul, pour vaquer à de futiles occupations. Et d’apprendre par la suite son décès, solitaire, isolé, dans un hôpital froid et sinistre.
De plus, je n’avais aucune attache ; célibataire, avec un chat et un chien à charge, je ne lésais personne à venir passer un jour dans cet hôpital.
Et j’y pris goût. Nouant des amitiés tant avec les malades qu’avec les médecins et les infirmières. Il ne fallait pas, selon eux, trop s’impliquer avec les patients, si jamais la fin s’avère funeste ; mais comment faire lorsqu’un jeune enfant attend votre venue avec tant d’espoir ?
Aussi lui lisais-je des livres d’aventures, des livres pleins de chevaliers, princesses et dragons, d’étoiles et vaisseaux de l’espace :Bilbo le Hobbit, Le cycle de Tschaï, et d’autres encore. Quelques chapitres à la fois.
Il m’a demandé la lecture d’Harry Potter.
Il m’expliqua ensuite, un peu timide, qu’il aimerait être sorcier pour combattre sa maladie, ses propres forces du mal.
Je me libérais une demi-journée par semaine, prenant une récupération, et passais cet après-midi à lire. Par contre, en hiver, c’était une journée ; l’hiver est la saison calme dans mon boulot.
Je suis fonctionnaire.
Je travaille à l’Office National des Forêts : j’aide les arbres à pousser, les bûcherons à en couper, la forêt ...
... à se régénérer et les citadins à la comprendre et l’apprécier en répondant à leurs questions idiotes.
« Encore un bon à rien ! » diront nombre de politiques.
Mais les a-t-on déjà entendus se plaindre du trop grand nombre de députés, sénateurs, ministres ? Il est vrai que ce sont souvent les mêmes ! Ils sabrent joyeusement le nombre de mes semblables, d’infirmières, policiers ou autres. Mais jamais les leurs. Les loups ne se mangent pas entre eux.
J’essaie de donner un peu d’amour et d’espoir autour de moi ; peuvent-ils en dire autant ?
Beaucoup de randonneurs m’envient car je fais un beau métier, toujours dehors, à me promener. Vrai, je l’aime, mon métier ; il est beau, mais je voudrais bien les voir se promener par tous les temps : pluie, neige, bourrasques.
De voir une de vos forêts arrachée par une tempête, ou partir en fumée par l’inconscience de promeneurs ou pire, par un criminel. Rien n’est pire que de voir une forêt brûler. Presque autant que de voir un enfant pleurer.
Nous avons quitté l’âge des poètes et des rêveurs pour entrer dans celui des comptables sans cœur.
Me réfugier auprès de mes malades m’aidait peut-être aussi à oublier ces vilenies.
Mes autres patients, Marcelline et Germaine, aiment les livres de cuisine, le journal local et les romans d’amour.
Je leur ai lu du Marc Lévy. Oui, j’ai honte. Comme elles étaient devenues amies, je leur faisais la lecture simultanément.
Édouard, le seul homme de mes clients, aimait quant à lui ...