1. Les feuilles mortes


    Datte: 15/02/2020, Catégories: fh, médical, forêt, amour, pénétratio, mélo, Auteur: Radagast, Source: Revebebe

    ... donnaient l’impression de me trouver devant un mannequin, une poupée de cire.
    
    Une myriade de tubes, drains, perfusions pénétraient le pauvre corps par la bouche, le nez ou les veines. Son torse se soulevait régulièrement grâce à une aide respiratoire. Elle ne possédait plus ni cheveux, ni sourcils. Les os des pommettes ressortaient, comme pour perforer la peau et ainsi s’évader. Les joues émaciées, le teint cireux, jaunâtre lui donnaient l’air d’être déjà de l’autre côté.
    
    — Elle n’a pas fière allure, mais son corps lutte encore ; si nous pouvions récupérer son esprit, elle nous aiderait bien.
    
    J’étais bouleversé : cette satanée Michelle avait bien assuré son coup. Comment pouvais-je refuser ?
    
    — Et à quelle fréquence, les visites ?
    
    Je la vois hésiter.
    
    — Ben… si tu pouvais venir chaque jour, dit elle en me jetant un regard en coin.
    — Merde, mais je travaille aussi, moi !
    — Tu pourrais venir en-dehors des heures de visite ; le soir, ce n’est pas un problème, et juste un quart d’heure.
    
    Elle me voyait hésiter.
    
    — Nous pouvons même te faire manger ici. Et juste une semaine…
    
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    Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189.. Je continue à dire « chez nous », bien que la maison ne nous appartienne plus.
    
    C’est ainsi que, le lundi suivant, je commençai mes lectures. ParLe grand Meaulnes, d’Alain Fournier. Il fallait bien commencer par un livre ; pourquoi pas ce classique des classiques ?
    
    Chaque soir, je venais vers ...
    ... dix-neuf heures, passer quelques minutes avec cette jeune femme, lui lisant juste un chapitre ou deux. Je ne connaissais d’elle que son prénom : Isabelle. Chaque soir j’arrivais dans la chambre et commençais la séance ainsi :
    
    — Bonsoir, Isabelle ; j’espère que vous allez mieux.
    
    Il me semblait élégant de la saluer ainsi ; je venais quand même dans sa chambre.
    
    À la fin de la semaine, comme promis, je vis Michelle.
    
    — En apparence, aucune amélioration. En apparence seulement ; j’ai fait faire des analyses hier. Bizarrement, son corps réagit mieux au traitement. Si j’osais, je te demanderais bien de continuer cette expérience encore quelques semaines, me demanda-t-elle d’un air implorant.
    — Tu as de la chance que ce soit la morte saison dans mon boulot. Les martelages sont terminés, alors je n’ai pas trop de contraintes.
    — Si tu savais comme je suis contente ! Pour te remercier, je t’invite chez moi à la Noël.
    
    Un soir, alors que j’arrivais un peu en avance, j’entrai dans la chambre pendant que les infirmières lui donnaient ses soins. Je ressortis aussitôt, non sans avoir vu son corps meurtri.
    
    Je fis ma lecture, les larmes aux yeux et des sanglots dans la voix, et la nuit je fis des cauchemars.
    
    Je ne m’étais toujours pas habitué à cette douleur, je pense que je ne le serai jamais.
    
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    Je lui lus ensuiteL’arrache-cœur, de Boris Vian.
    
    Pourquoi ? « Pourquoi pas ? » aurait sûrement répondu Vian à l’idée de lire une de ses œuvres à ...
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