Une courtisane ou Belle Époque - Histoires de Sexe

Une courtisane ou Belle Époque

... occupera mon cœur et escortera mes rêves. Après tout, en épousant la fille, je me rapprocherais de la mère et pourrais peut-être aspirer au rang d’amant. En nous quittant, madame Blancrupt m’enjoint à revenir les visiter prochainement, ce dont je n’ai nulle intention de la priver.

Voilà comment en deux jours, je suis désillusionné par les lieux qui devaient me combler et ensorcelé par ceux dont je n’espérais rien mais qui viennent entretenir mes songes les plus voluptueux. Bien sûr, il est impensable que j’oublie les effluves de violette mais je n’en retourne pas moins auMoulin Galant trois jours plus tard et y appointe bientôt en tant que régulier deTétine.

Un soir, alors que je m’apprête à me retirer j’y croise Félix Plessis dans le couloir. C’est un ancien camarade de lycée qui s’y plaisait tellement qu’il n’avait pas hésité à redoubler plusieurs fois avant de renoncer définitivement au titre de bachelier. C’est le fils du maquignon le plus important de la Champagne et il en a le parler haut ainsi que la palette intégrale des manières pour le moins rustiques.

— Viens dîner chez nous demain soir, je te présenterais à ma femme !
— Tu es déjà marié ?
— D’abord je te rappelle que je suis de quatre ans ton aîné même si nous avons passé le bachot ensemble. Ensuite, tu sais que mon père est maquignon, quand je te dirai que celui de Lucinde est éleveur, tu comprendras que j’ai saisi là une occasion unique d’unir nos troupeaux afin de constituer un fort joli cheptel. Au ...

... demeurant, on ne me serre guère le licou.
— Et bien que marié, tu pratiques ces bouges ?
— Trois mois après la noce, j’avais fait le tour du propriétaire. Nos prudes ne nous réservent que peu de surprises mais je ne viens ici que très occasionnellement. Par contre, je fréquente avec plus d’assiduitél’Abbaye de Thélème
— C’est quoi cela, un autre bordel ?
— Comment toi, un des rejetons les plus fortunés de Reims, tu ne connais pasl’Abbaye de Thélème ? Il faut que je t’y introduise. Apprends que c’est tout ce que tu voudras sauf un bordel. C’est un salon discret jusqu’à être secret où se retrouve une large part du gratin de notre ville sous les auspices de Mme de Tréviers, tu sais bien, la veuve du général Tréviers qui lui n’avait pas senti le besoin de décorer son nom d’une particule et s’est noyé, complètement saoul, dans un caniveau un soir de ripaille. L’endroit rassemble des hommes surtout, mais aussi des femmes issues de la meilleure société et il paraît que d’honnêtes bourgeoises viennent même d’Épernay pour s’y divertir. Des butors prétendent y avoir aperçu l’épouse de notre préfet, celle du député de notre circonscription ou celle du docteur Polican. Rien toutefois ne me permet d’accréditer ces rumeurs. Tu verras que nombre de personnes s’y travestissent, parfois avec l’intention de cacher peut-être leur véritable identité mais sans doute plus fréquemment dans celle de pimenter leurs frasques. Il est particulièrement plaisant de courtiser une inconnue que tu pares, ...