Missouri moi aussi
Datte: 06/01/2020,
Catégories:
amour,
photofilm,
nonéro,
Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe
... je le constate en entrant dans le bouge, mais on s’y fera ! L’intérieur de la cabane est à l’image de l’extérieur. L’aménagement des plus sommaires se résume pour la pièce principale à une table en bois avec bancs assortis, deux grandes armoires bancales, un canapé fatigué, deux fauteuils, un téléviseur. Une partie de la pièce abrite la cuisine avec une grosse cuisinière sale, un évier en pierre, des placards vétustes, et, faisant tâche dans ce décor, un énorme réfrigérateur ultra moderne et étincelant de tous ses chromes.
Tante Wilma passe un chiffon douteux sur les bancs et la table pour que nous puissions nous asseoir sans trop nous salir. Mais Lilly reste debout, fixe un des fauteuils dans lequel gît un homme, vieux, sale, endormi.
— Désolé ma chérie, dit Wilma, mais ton père ne s’arrange pas ! Il continue à s’évertuer à épuiser les stocks de l’alcool qu’il continue à distiller, alors qu’il n’a plus un seul client depuis …
* * *
La présentation au père tourna court !
Comme me le raconta ensuite Lilly, Stanton Bereford n’a jamais rien compris au film. Son père à lui, dans les années vingt, s’était fait quelque argent en distillant un mauvais whisky. Il en avait profité pour agrandir son domaine. Mais, à la fin de la Prohibition, le vieux avait bêtement poursuivi sur sa lancée. Pendant quarante ans, il s’était entêté, buvant lui-même ses stocks d’invendus. À la mort du vieux, le fils avait tout aussi bêtement continué lui aussi, à travailler sa mauvaise ...
... terre, à tanner de vilaines peaux, à distiller son infâme tord-boyaux. Comme quoi, Bereford n’avait pas attendu d’être vieux pour être con !
À ce régime, l’homme avait perdu peu à peu ses terres, ses biens, sa santé mais l’alcool conservant, il avait réussi à se maintenir en vie. Mais quelle vie, buvant du matin au milieu du jour, cuvant ensuite jusqu’au matin suivant.
Effondré dans son fauteuil, l’homme n’a jamais réagit à la présence de sa fille, se contentant de ronfler sans broncher pendant les deux heures que nous avons passé dans sa maison. Sa pauvre belle-sœur, Wilma, nous raconta sa déchéance irrémédiable, ce naufrage dans lequel la mort de son propre mari, brave et travailleur celui-là, l’avait elle-même jetée.
— Et puis, j’ai le cancer, nous annonça simplement la vieille femme. Le crabe me bouffe et je n’en ai plus pour longtemps.
Sans nous laisser le temps de nous apitoyer, Wilma avait enchaîné :
— Vous partez au Mexique, vous allez vivre là-bas, emmenez Louise. Sauvez-là de notre misère…
Comment refuser ?
Ben moi, j’aurai bien été tenté de le faire ! Avec son tablier informe, sa tignasse fadasse, son visage souillé, elle n’est pas très appétissante la grande brelle. Quoique, à y regarder de plus près…
Mais pour Lilly, pas d’hésitation, et son regard implorant a eu vite fait de me convaincre qu’il était inutile de discuter.
Ah, les femmes !
C’est ainsi nous sommes désormais trois dans la Honda.
Le boiteux, la putain et la souillon ...