1. Missouri moi aussi


    Datte: 06/01/2020, Catégories: amour, photofilm, nonéro, Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe

    ... trou du cul du monde, c’est pile-poil dedans !
    
    — Putain, ça pue encore plus que mes souvenirs, soupire Lilly qui s’est redressée sur son fauteuil et scrute la végétation.
    
    Ma Lilly, excitée comme une puce à l’idée de me présenter à son père. Ce matin, elle a fait des efforts pour s’habiller décemment : jupe sage en coton beige, petite veste saharienne sur un chemisier immaculé qui cache un soutien-gorge des plus sages. Elle a même mis une culotte en coton. Je le sais, j’ai vérifié !
    
    — C’est là, crie-t-elle encore.
    
    Une infâme masure apparaît entre les hautes herbes desséchées. Une baraque de planches grises disjointes, avec un toit en tôles ondulées rouillées. Devant la bicoque : un puits, une éolienne rongée par le temps, un camion délabré, une carcasse de voiture, des bidons, un invraisemblable bric-à-brac de vestiges divers, cassés, rouillés, délabrés.
    
    — Merde, c’est encore plus moche que dans mes souvenirs.
    
    La voix de Lilly est brisée, les larmes lui montent aux yeux. Pauvrette, je la sens complètement anéantie par ce spectacle désolant. Lorsque j’arrête la voiture devant le palace, un chien pouilleux attaché à une longue chaîne se rue vers nous en aboyant tout ce qu’il peut, c’est-à-dire peu, car il a la voix cassée par l’âge.
    
    Alors que nous nous frayons un chemin à travers le dépotoir, la porte de la masure s’ouvre et une femme sans âge s’avance précautionneusement sous le soleil. Vêtue d’un tablier informe, les cheveux ébouriffés, une main en ...
    ... visière sur le front, elle est peu avenante et visiblement inquiète. Manquerait plus qu’elle brandisse une Winchester, et le cliché serait parfait.
    
    — Tante Wilma !
    
    Lilly s’approche de la matronne qui, la reconnaissant, joint les mains sur sa poitrine et pousse des cris de joie.
    
    — Lilly ? Lilly, c’est bien toi ?
    
    Les deux femmes tombent dans les bras l’une de l’autre, pleurent, s’embrassent. Alertée par les cris, une autre forme se glisse au dehors : vêtue d’un tablier aussi usé que celui de la tante, la tignasse tout aussi ébouriffée, cette femme là est plus jeune, beaucoup plus jeune. Sans doute même plus jeune que Lilly.
    
    — Louise, s’exclame Lilly en la voyant.
    
    Puis se tournant vers moi, elle précise :
    
    — Ma cousine ! Ma tante, ajoute-t-elle en me désignant la plus vieille. Al, mon fiancé, explique-t-elle ensuite en me pointant du doigt.
    — Ton fiancé, s’exclament de concert les deux femmes, intimidées, qui tentent maladroitement de se coiffer et lissent leurs tabliers avec leurs mains sales.
    
    J’ai même droit à une sorte de révérence maladroite. Faut dire que je suis aussi chic que le Prince de Galles, même si je ne suis en fait vêtu que d’un short bleu et d’un tee-shirt bêtement blanc. Mais quelle importance, ces deux-là n’ont jamais vu le Prince de Galles ! Mes vêtements sont neufs et propres, c’est bien suffisant pour les impressionner.
    
    — Mais entrez vite, y fait moins chaud à l’intérieur. Et ça pue moins !
    
    Çà, c’est vite dit ! Tout est relatif, comme ...
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