Missouri moi aussi
Datte: 06/01/2020,
Catégories:
amour,
photofilm,
nonéro,
Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe
... et de Soho -le racket, les paris clandestins, le trafic de cigarettes et d’alcool- ses allures de Commandatore me convenaient assez, malgré les cadavres de quelques braves types et de pas mal de salopards qu’il avait dans ses placards. Mais du jour où il a commencé à tremper dans le trafic de poudre, là, pour moi, il ne méritait plus le respect. Non seulement parce que ce trafic est ignoble, mais surtout, parce qu’en trempant là-dedans, il faisait fausse route. D’ailleurs, les ennuis n’ont pas tardé : italien du Nord, Certini avait au départ autant de chances d’être admis par les grands Mafiosi (tous originaires du Sud : Sicile et Calabre), autant de chances que moi de faire partie de la sélection olympique du 4 x 400 mètres ! Dans les années soixante, son intelligence, sa froide détermination, son sens de l’organisation avaient fini par lui valoir la considération des Familles, qui lui avaient laissé le contrôle de quelques miettes de leur empire. Mais en trempant les mains dans la blanche, Certini s’était vite retrouvé isolé, en porte-à-faux. Il était allé trop loin, il marchait sur leurs plates-bandes.
Et c’est bien pour cela, du reste, que je suis assez tranquille. Je lui ai taxé un petit million, mais il n’a pas l’envergure suffisante pour lancer une chasse à l’homme, pour me débusquer là où je vais, et ne trouvera personne pour l’aider. S’il doit ce fric à quelqu’un, il devra cracher, point-barre !
Faudrait d’ailleurs qu’il soit vachement futé pour me retrouver. ...
... En fait, sans le vouloir, j’ai brouillé les pistes, depuis le temps que je bassine tout le monde avec la Californie. Tu peux courir, c’est sûrement pas là-bas que j’irai. De toutes façons, à l’instant précis, je ne sais pas encore exactement où je vais aller planter ma tente. Tout ce que je sais désormais, c’est que Lilly m’accompagnera, où que j’aille. Et une fois installé, personne ne me débusquera.
Parce qu’en fait, je suis un caméléon. Un caméléon, tu sais, comme Jarod, à la télé. Tu es malfrat ? Je parle comme toi. Tu es un petit bourgeois ? Tu me prendras pour ton frère. Tu navigues dans les hautes sphères ? Tu me reconnaîtras comme un de tes pairs. Expert en ronds de jambes ? Je serai plus obséquieux que toi ! Grossier comme un camionneur ? Je t’apprendrai de nouveaux jurons.
Je suis un maître de l’empathie, qui que tu sois, je suis comme toi, je suis toi, si je le veux !
Et - je - parle - comme - je - veux !
Cela dit, pour l’heure, je suis un peu inquiet. Mais où donc Lilly m’emmène-t-elle ? Chez elle, dans sa famille, ça, je sais, merci !
Mais c’est où ? Visiblement plus loin que le trou du cul du monde !
— Là, à droite, crie Lilly.
A droite ! Je n’avais même pas vu qu’il y avait un chemin ! Enfin, si on peut appeler ça un chemin !
— T’aurais dû me prévenir Lilly, j’aurai acheté un Hummer ! T’es sûre que c’est par-là ?
— Sûre, je le sens !
De fait, une sale odeur envahit l’habitacle. En fait, je me suis planté, ce n’est pas plus loin que le ...