1. Vraimodo


    Datte: 28/12/2019, Catégories: fh, amour, Auteur: Guust, Source: Revebebe

    ... froid, les poubelles puent moins. Et ça c’est une bonne chose aussi, parce qu’en été, ça fouette !
    
    Il ne faudrait pas croire qu’avec ma laideur et le boulot que je fais, je n’aie pas horreur de la crasse. Je suis propre. Je me lave. Je bosse dans les ordures mais je préfère sentir le savon et la lotion d’après-rasage. Je pourrais ne pas me raser, d’ailleurs je l’ai déjà fait, mais avec la barbe je suis tout aussi horrible, et en plus j’ai l’air d’un bandit.
    
    Non, le plus dur, ce n’est pas d’être moche, c’est d’être seul. J’aime bien voir des gens, mais les gens m’évitent, me fuient presque, alors à quoi bon ? Je m’enferme chez moi, le soir, et je lis en écoutant de la musique. Des bouquins que j’achète au vieux marché pour une croûte de pain, et des disques d’occasion. Je m’en fous qu’ils soient vieux, s’ils sont en bon état. La mode, je m’en tape. Le jazz n’est pas à la mode, mais ça m’est égal. Je mets un Jimmy Smith en boucle – j’aime bien le groove d’un vieux Hammond – et je lis. Du fantastique, du policier, de l’aventure, des séries noires et aussi des classiques, mais sans trop de prise de tête. Quand je suis comme ça, dans mes pantoufles avec un livre et de la musique, je n’oublie pas que je suis seul, mais je n’y pense pas trop. Je m’habitue.
    
    Fin octobre. Chute des feuilles. Chute du moral, bien que la fraîcheur s’accentue. L’été a été chaud, lourd, étouffant certains jours, et les matins de ramassage, même à huit heures, les rues sentaient encore le rat ...
    ... crevé alors que ça faisait bien une heure ou deux qu’on avait enlevé les sacs. Il faut dire que certaines personnes, y compris probablement les forces de l’ordre, se fichent complètement de la loi sur les chiens errants ! Alors, ça déchire, ça éventre, ça traîne la crasse au travers des trottoirs…
    
    Fin octobre. Et moi qui me balade, sans but, sur le chemin de halage, en bordure du canal. Une voie d’un mètre de large, bétonnée sur des kilomètres, pour les promeneurs et les cyclistes. Je n’y vais pas souvent, sauf parfois le soir, quand c’est calme. Un peu d’air me fait du bien, surtout quand j’ai un peu bu. Trop. Comme je le fais parfois pour oublier, pour noyer ma misère, ma solitude, et les huit années à collecter les ordures.
    
    Noyer ? Et pourquoi pas ? Pour en finir. Une bonne fois pour toutes. D’habitude, je réfléchis, mais cette fois, c’est spontané. L’eau m’attire inexorablement, alors même que ma compétence en matière de natation égale à peu près celle d’un fer à repasser. Je m’octroie juste le temps d’imaginer que mon cadavre finira près de l’écluse, un kilomètre en aval.
    
    *****
    
    Quand on s’éveille et qu’on ouvre les yeux, on est généralement surpris de se trouver ailleurs que dans son lit, à moins bien sûr d’avoir pris l’habitude de pioncer n’importe où, du divan du salon à la chambre à coucher de quelqu’un d’autre, en passant par un banc public ou la banquette arrière d’une voiture.
    
    L’éclairage indirect, l’ambiance aseptisée, l’odeur de pharmacie et de ...
«1...345...22»