Papyrus
Datte: 22/03/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... tellement au sérieux ? Sans ces putains de vers, sans ces conneries de mots qui lui sortaient par les oreilles, il serait encore en vie. Cette histoire de site devenait obsessionnelle. Il me disait : J’ai l’impression de tenir une maison délabrée. C’est comme si j’attendais quelqu’un qui ne vient pas. Comme si je gardais la maison Usher. Ce genre de truc me semblait obscur. Tout ce que je pouvais faire, c’était allumer un bon pétard et parler d’autre chose. Voir un film. Écouter de la musique. Parler de nos boulots débiles. Et puis, un jour les choses ont pris un virage plus radical encore. C’était il y a quelques mois, juste après Noël. Il s’est aperçu que quelqu’un était venu trois fois dans la même journée sur son site. La même adresse IP. Une adresse qui venait de la ville même.
Lucas
Il marchait dans son sommeil. Depuis longtemps. C’est aussi pour cela qu’il préférait ne pas dormir. Mais quand la fatigue était trop grande, qu’il ne parvenait pas à la contenir. Alors, ses songes l’emportaient vers de curieuses contrées. Il y avait de la glace. Il nageait sous la glace. Quelqu’un le regardait. Quelqu’un qui posait ses mains sur les siennes à la surface. Quelqu’un qui suivait sa trace. Depuis qu’il vivait seul, quand ses pas inconscients le portaient devant le grand miroir du salon, il devait attendre que quelque chose le réveille. Le téléphone, la lumière du jour, un réveil matin. Effrayé, il ouvrait les yeux sur sa propre image. La marque de ses mains souillait la ...
... surface froide. Ses jambes lui faisaient mal. Il se demandait combien de temps il était resté ainsi, immobile devant le miroir. À vrai dire, c’était toujours la première question qui lui venait à l’esprit.
Vladic
Je l’ai aidé à monter son site. Un jour il est venu me voir dans mon bureau. On avait échangé des mails à propos d’un problème informatique lié à son profil opérationnel. Il m’avait paru assez sympa. Plutôt déconnecté. C’était dans la formulation des phrases, une espèce de libellé ampoulé que j’avais perçu comme ironique. Au travail, c’est assez rare. Je reçois près de deux cents mails par jour. Je lis toujours la signature et la formule de politesse en premier. Je lis à l’envers. C’est une technique qu’un prof de programmation m’a donnée. On peut lire deux fois plus vite et mieux sentir la couleur du message. Il est rare en définitive qu’ils soient neutres. Il y a de l’agressivité, de la fourberie, de l’humour rarement. Certains sécurisent le mail, on ne peut pas les faire suivre, on peut juste leur répondre, d’autres mettent des destinataires cachés. Tout le monde est paranoïaque. Derrière la façade des mots, il se joue tellement de tensions, de jalousie, de peur. L’informatique c’est le saint des saints. Un blocage et c’est le monde qui s’effondre. L’identité même qui disparaît. Pour Lucas, c’était différent donc, il y avait une distance et une ironie qui me plaisaient. Il signait mR au lieu de Mr. Précisait, souvent, « Sain de corps et d’esprit », enjolivait ...