1. Papyrus


    Datte: 22/03/2018, Catégories: nonéro, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    ... prend-il un malin plaisir à me persécuter ? Qu’est-ce que j’ai bien pu lui faire ? Quand je m’endors, c’est avec cette menace au-dessus de ma tête. Je ne fais plus qu’attendre ses messages. C’est une ombre qui vit derrière moi.J’ai dit : Ça va se tasser. Attends un peu.Il a écrasé son mégot par terre. Et qu’est-ce que tu en sais ? Et puis il est parti, il s’est mis à courir. Comme un jogger, les poings serrés. Il a disparu sous la pluie. Je ne l’ai plus jamais revu.
    
    Simon
    
    Lucas et moi, on se connaît depuis l’enfance. On s’est rencontrés à l’école. Il avait déjà cet air absorbé mais je ne me rendais pas vraiment compte. C’est en y réfléchissant bien plus tard que ça m’est revenu. Il avait cette faculté à s’abstraire. D’un coup, il disparaissait. Même quand on jouait aux billes. Du genre à regarder une fourmilière pendant des heures ou s’interroger sur la couleur de l’ardoise, à aimer le contact de la craie sur le tableau, à s’étonner de la couleur du ciel. Ce genre de choses. Il lisait. Des trucs de gamins. Il récitait ses rédactions devant la classe.
    
    Il ne m’a avoué qu’à l’adolescence qu’il écrivait presque tous les jours. Des histoires. Des pensées. De la poésie surtout. Il adorait ça. Je le soupçonnais de faire semblant, de ne pas vraiment comprendre ces mots qui à moi me semblaient hermétiques. Pourtant il était imprégné, paraissait bien pensif en dévorant les lignes. Plus tard, il m’a fait découvrir des auteurs comme Dylan Thomas, Keats, Rimbaud. Il était obsédé ...
    ... par ce poème de Thomas :Et la mort n’aura pas d’empire. Il me le récitait souvent. Je me rappelle du début.
    
    Abstrait. Trop pour moi. Mais il était passionné et bien qu’il soit devenu un jeune homme taciturne, quand il vous parlait de poésie, une flamme dévorait son regard. Certaines fois, il me faisait peur, il était trop investi. Je lui disais qu’il était possédé. Je lui disais :Sors de là maudit démon, lâche mon pote Lucas. Il se figeait un moment et puis il riait.
    
    Il m’a fait lire ce qu’il écrivait pour la première fois le jour de ses quinze ans. Qu’on a fêté à deux, c’était assez bizarre. Sa mère était en voyage et Lucas avait peu d’amis. Peu de famille aussi. Pas assez proches pour qu’ils se déplacent à ses anniversaires en tout cas. Il était nerveux. Il m’a tendu cinq ou six feuillets qui composaient une suite de poèmes liés les uns aux autres. C’était original, très sombre mais original. Ce qui m’a frappé, c’est qu’on pouvait parfois diviser en deux le même vers. Le couper au milieu et cela donnait un nouveau poème. Passé cet aspect étonnant, je me suis concentré sur les mots. Ça traitait de la gémellité, de la mort, de l’oubli. Dérangeant. Glaçant même quelques fois. Il me regardait. Ses yeux cherchaient les miens. Je ne lui connaissais pas cet air. J’ai bien compris à quel point ce que j’allais dire était important. Mais bordel, je n’étais vraiment pas la bonne personne. Plus je lisais et plus je me débattais dans des sables mouvants. Oppressants. Ça avait un ...
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