1. Papyrus


    Datte: 22/03/2018, Catégories: nonéro, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    ... récupérer les cheveux, les poils, voire à terme les spermatozoïdes de l’autre. En théorie, cela voudrait dire que plus tard l’un des jumeaux pourrait faire des enfants qui seraient en fait génétiquement parlant les enfants de son frère, ses propres neveux. Des études, nous avait dit Lucas, avaient été faites sur des Ouistitis, sur des singes, sur ce genre d’animaux. Lucas parlait. Le jour tombait sur la ville. Simon a allumé un pétard. Puis un autre. Lucas parlait. Des jumeaux parasites. Il nous a dit que cela arrivait lorsqu’un des jumeaux ne parvenait pas à croître suffisamment vite. Dans ce cas, il se comportait comme un parasite pour l’autre. Dans le cas plus extrême, ça pouvait donner ce qui était arrivé à cette petite fille en Inde qui était née avec quatre jambes et quatre bras. Tout le monde la prenait pour une déesse là-bas. Il nous disait qu’il pouvait arriver que l’on trouve à l’intérieur d’un œuf de poule un autre œuf plus petit. C’était la même logique. La même nature. Il y avait aussi les jumeaux fantômes. Ceux qui disparaissaient, qui se nécrosaient. Qui noircissaient. Lucas disait qu’il pouvait y avoir des séquelles pour le survivant. Des séquelles psychologiques. Et puis il s’était arrêté de parler. On a écouté de la musique, on a fait du skate, on a regardé les grandes tours du centre, on a pensé à autre chose. Mais cette conversation m’est restée en mémoire. D’abord parce qu’il état rare que Lucas parle autant, ensuite parce qu’il semblait vraiment ...
    ... affecté. Je lui ai demandé : Mais pourquoi ça te fascine autant ? Il n’a rien répondu.
    
    Il nous faisait lire des poèmes quelque fois, je sais que Simon en profitait plus que moi parce qu’ils étaient plus proches. Moi, j’aimais bien ce qu’il me donnait. C’était barré, très sombre. Ces histoires de reflets. De doubles, de mort. À cet âge là, je suppose que c’est le genre de choses qu’on aime, non ? Il n’allait pas bien, c’était un fait. Mais en vérité, qui pouvait dire parmi nous qu’il allait bien ? Personne ne va bien. Aller bien, ça n’existe pas. Mais quand il a rencontré Laura, on s’est dit que les choses iraient mieux. Qu’il allait mettre de côté sa prose, passer au concret. Trouver sa voie. On bossait déjà tous. On avait lâché les études. On n’en avait vraiment rien à foutre de rien. Lui en plus avait de l’argent. Sa mère en avait. Mais ça n’a rien changé. Il a continué à écrire et finalement c’est peut-être ça qui lui a fait le plus mal. Personne ne le prenait au sérieux. Personne ne l’a jamais pris au sérieux.
    
    Il a monté son site avec un mec du boulot. Il a mis ses poèmes en ligne. J’y suis allé une fois ou deux mais j’avais d’autres trucs à faire. Il avait mis un tracker. Pour surveiller le nombre de visites. La plupart des jours, le compteur affichait zéro comme un thermomètre du Groenland. On le chambrait mais il se braquait. Ça l’affectait. Moi, je ne comprenais pas, j’en avais parlé avec Simon. Ces trucs là ce sont des hobbies, rien de plus. Pourquoi prendre ça ...
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