1. Papyrus


    Datte: 22/03/2018, Catégories: nonéro, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    ... père. Je lui ai dit que cela avait été une erreur, que c’était une courte relation et qu’il n’avait pas voulu entendre parler de la naissance des petits. C’est là qu’il a appris. Je n’avais pas l’intention de lui en parler parce que pour moi ça n’avait plus vraiment d’importance. Mais Lucas a semblé complètement décontenancé par la nouvelle. Il avait un jumeau, un jumeau qui est mort aux environs du septième mois dans mon ventre. J’ai dû accoucher précipitamment. Lucas est parti en couveuse tout de suite. Je l’avais assez mal vécu à l’époque, j’avais tellement peur qu’il arrive malheur au deuxième. Beaucoup de choses se bousculaient. Et quand Lucas est né, j’ai oublié celui qui n’était pas venu. Le nécessaire a été fait pour que sa mémoire soit conservée. J’étais sa mère à lui aussi.
    
    En voyant l’air de Lucas quand je lui ai avoué l’existence d’un jumeau, je me suis dit qu’il prenait la chose trop à cœur. Mais je ressentais aussi un soulagement chez lui, comme s’il avait deviné cette vérité depuis toujours. Comme si je mettais des mots sur un mal profond. À l’époque, ce n’était pas si clair dans mon esprit mais avec le recul aujourd’hui et à la lumière de sa disparition, je comprends que ça avait du sens. Après cela il s’est encore plus fermé. J’ai mis ce comportement sur le compte de l’adolescence. Je n’avais pas envie d’y penser. Je gérais ma vie professionnelle. C’était mon premier poste à responsabilité. Du genre qui prend beaucoup de temps et d’énergie. Je dis ...
    ... toujours que c’est comme rentrer dans les ordres. C’est un sacerdoce à ce niveau. Et ce n’est pas que pour l’argent. Sans mon travail, après la mort de Lucas, je me serais écroulée. C’est lui qui m’a tenu en vie. Je sais ce que je lui dois.
    
    Je lui ai payé un psy puis un autre et encore d’autres. Les mêmes que les miens. Jusqu’à ce qu’il refuse d’y aller. Il me disait, ça ne me fait rien, je vais bien. Je ne vois pas pourquoi je devrais aller là-bas. J’ai payé pour qu’il se confie. Qu’il se purge. Lui et moi, ce n’était tout simplement plus possible. On était incapable d’aligner trois mots à la suite sans que le ton monte. J’étais absente. Je prenais des avions. Je l’appelais entre deux vols. Je l’appelais depuis des salles de conférence vides. Je gagnais des miles. Je voyageais avec peu de valises. J’avais plusieurs comptes. Dans les hôtels de luxe, tout est disponible. Je l’appelais. Il faisait jour chez moi, nuit chez lui. Il dormait rarement. J’écoutais sa respiration. Je lui disais : Si tu ne veux pas me parler, fais-moi écouter ton souffle.Je m’endormais souvent comme ça et quand je me réveillais, il avait raccroché.
    
    Il y a quelques années, pour ses dix-huit ans, nous sommes partis tous les deux. Les îles du pacifique. Des endroits incroyables où l’eau est claire et vénéneuse. Les gens pêchent juste pour le plaisir mais ne mangent pas le poisson, à cause des essais nucléaires. Ils tuent au harpon et rejettent les proies dans l’eau. Je lui avais payé le voyage mais la ...
«12...567...13»