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Papyrus
Datte: 22/03/2018, Catégories: nonéro, Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... j’ai répondu. Tu ne connais personne. Simon Le soir où il a reçu le premier mail, Lucas m’a appelé. Je crois qu’il suspectait toutes ses connaissances. Il était abattu. Il m’a lu les mots. La personne qui les avait écrits parlait de son poème « La femme qui tombe » C’était net, sans fioriture. Brutal. Il y avait de quoi s’interroger. Je me rappelle qu’en l’écoutant, j’ai éprouvé un certain soulagement. J’étais comme Lucas avant. Je faisais de la musique. Sérieusement. Jour et nuit je jouais. Surtout la nuit. Une passion. Une passion de jeunesse. Je voulais un groupe. Je voulais faire des disques. Des concerts. Et puis un jour j’ai tout arrêté. Ça ne venait pas. Aucun projet clair, pas de perspectives. J’allais dans le mur en m’obstinant. Mon instrument m’éreintait. Je ne voulais pas lâcher par principe mais la vérité c’est que je n’étais ni assez doué ni assez chanceux, ni assez entreprenant. Et puis je commençais à travailler. Dans le graphisme. Je gagnais un peu d’argent. J’en avais discuté plus d’une fois avec Lucas. Il ne comprenait pas. On s’affrontait. Il me disait : J’y passerai ma vie mais je ne vois pas d’autre issue. Sans ça, il n’y a rien. Je lui disais : L’issue c’est de vivre. Prends une nana. Voyage. Profite. Ces passions sont destructrices. Le monde n’est plus dans ce mouvement. Le monde n’est plus un havre accueillant pour les artistes. Les femmes et les hommes de cette planète sentent la fin arriver. Il faut faire vite. Fuir. Fuir en avant. Ne pas ...
... réfléchir. Ça ne sert plus à rien de réfléchir. Ça rend juste malheureux. Sept milliards. Sept milliards ! Tout ça nous dépasse. À quoi ça sert d’écrire des poèmes ? Et je lui disais : Putain, mais à quoi ça peut bien servir ?Et où est-ce que ça l’a mené ? L’art c’est de la merde. Lucas Il pleuvait tout le temps dans cette ville. Il mettait ses poèmes sur son site. Son temple dans le vide. Personne ne s’arrêterait ici. Routes électriques, faisceaux phosphorescents, sons mats et numériques. Des diodes filandreuses tailladaient le ciel noir. Membranes métalliques. Orages composites. Le monde sans air. Il plaçait ses textes. La femme qui tombe. Perte / Moitié. L’étreinte. Illusion / liberté. L’incendie. La mort au commencement. Et d’autres encore. C’était son lieu. L’endroit sacré. Quelqu’un finirait bien par venir ici. Quelqu’un qu’il ne connaissait pas. Quelqu’un qu’il attendait. Il y avait des accidents dans ce monde aussi. Des naufrages. Des hasards. Thomas D’un coup au travail, il est devenu bien plus sombre encore. Complètement enfermé. Sa cadence s’est ralentie. Sa productivité a baissé. Il ne parlait plus du tout à ses collègues, jetait des coups d’œil à gauche, à droite, comme s’il était épié. Et même s’il était déjà à l’écart avant cela, les gens du plateau se sont mis à se poser des questions. Dans ce genre de secteur, une baisse d’activité est vite dénoncée par un sympathique collègue. Un mail, une allusion. Putains de piranhas. Lucas, je l’aimais bien, ...