1. Une maison bleue


    Datte: 11/12/2019, Catégories: ffh, exercice, aventure, sf, Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    ... journalistes comme c’est merveilleux de voir les personnages issus de votre imagination prendre vie sur l’écran. Tu parles ! Participer à la commercialisation des produits dérivés, autocollants, jeux vidéo. Jeanne la sage a négocié un sympathique pourcentage sur cette manne et, de jour en jour, leur bénéfice devient de plus en plus fabuleux, hors de mesure avec leurs rêves les plus fous. Ils rêvent, ce n’est pas possible, ils vont s’éveiller, ça ne peut pas être vrai.
    
    La fin du monde avait commencé discrètement, en sourdine, et on ne s’en était pas aperçu, rien de spectaculaire, pas de bruit. Les crises politiques, les vociférations des malades mentaux qui dirigent nos vies, les éructations dépourvues de sens de leurs hordes de brutes galonnées, les vagissements des hommes d’églises occupaient le devant de la scène. Et pendant ce temps-là, le monde s’effritait, s’effritait, partait en poussière, imperceptiblement. La fin du monde avait commencé discrètement avec le suicide d’une vedette de la chanson. Pauvre hère, pauvre chéri mal dans sa peau, le succès c’est dur, il s’était jeté dans la mer du haut d’une falaise. En cette fin de siècle, communication planétaire, désœuvrement, stupidité moutonnière, les modes naissent et se propagent vite, surtout les plus sottes.
    
    Du jour au lendemain presque, de véritables convois de suicidaires se forment, dans le monde entier et dépeuplent les cités. La mode des suicidaires : encore une expression journalistique. Le mouvement ...
    ... prend une telle ampleur que certains y voient la fin du monde. Un peu partout, les militaires sont mis à contribution pour tenter d’enrayer le mouvement, avec peu de succès.
    
    À la même époque, les Salernes réalisent leur rêve et deviennent propriétaires d’une île, une île au large de nulle part. Les Salernes, aux yeux pleins de soleil, les Salernes qui déjà n’appartiennent plus à ce monde en déliquescence, quittent sans un regard leur niche du cinquantième étage de la tour François Mitterrand. Quinze minutes enhélitaxi puis trois heures d’attente en salle d’embarquement, retard, vol annulé : la mode suicidaire désorganise tout.
    
    Au bar, officie une hôtesse mal peignée, fumant nerveusement cigarette sur cigarette. Indifférente. Connaissez la nouvelle ? Il paraît qu’une nouvelle maladie est apparue là-bas dans l’Est, peut-être une saleté lâchée par les militaires, maudite race de porcs. On a inventé des produits pour venir à bout des chardons, plus aucune tache rebelle ne résiste aux nouvelles lessives, mais les militaires, personne n’a trouvé encore le moyen d’en débarrasser la planète.
    
    Enfin, le jet est annoncé. Les Salernes ont mangé, mal, au restaurant de l’aérogare. Formalités d’embarquement réduites, plus assez de personnel et tout le monde s’en fout, un steward fatigué leur sert, leur jette sur les genoux un plateau médiocre. Il n’est pas rasé, il s’en fout, tout le monde s’en fout, il se dépêche de rejoindre son siège pour écouter dans son oreillette les nouvelles ...
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