Une maison bleue
Datte: 11/12/2019,
Catégories:
ffh,
exercice,
aventure,
sf,
Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe
... peine des sanctions les plus sévères, de toucher au génome humain. La tentation est grande, tout est possible, pour le bonheur ou pour la guerre, pour le bien ou pour le mal, pour les affaires ou pour l’avenir radieux, l’homme est désormais argile malléable… (Référence, bien sûr, au texte biblique : Il prit de l’argile et…)
Un médecin chercheur, Simon Newcomb. Le nom n’a aucune importance. D’autres, aussi, œuvrant en secret. Refusant les ukases. Ils créent, ils enfreignent le tabou pendant cinq ans. On (on : les journalistes) les appellera les «tricoteurs du génome». Une ambition grandiose, un projet peut-être insensé, un rêve magnifique en tous cas : semer le ferment de l’homme nouveau, l’ancien est trop visiblement à bout de souffle. Donner sa chance à l’avenir. En secret, ils tricotent, arrangent les fils emmêlés de la vie selon des motifs nouveaux, versant goutte à goutte au sein de la vieille race leur liqueur subtilement différente. Plusieurs milliers, deux, trois milliers, va savoir au juste, d’humains améliorés : à la santé du vieux cher vieux Darwin !…
Avant d’être arrêtés, suicidés discrètement, les «tricoteurs» auront le temps de détruire leurs fichiers. Ainsi la plupart des humains nouveaux, les «enfants de Simon» (encore une formule journalistique), échapperont au grand nettoyage.
Louis Salernes, la bête rugueuse, est un enfant de Simon à la seconde génération. Lui-même ignore son héritage et pourquoi le soupçonnerait-il ? Il est bâti comme une tour, ...
... d’une force peu commune, les burnes comme mes poings, queue d’âne, estomac d’autruche, mémoire d’éléphant, yeux de chat, jambes de cerf, mais après tout on n’a pas besoin du génie génétique pour cela. Il ignore la maladie, ne s’en est jamais étonné. Louis n’est pas homme à s’étonner, prend la vie comme elle vient, à la vis comme je te pousse, tu vois, peu sujet aux émotions, imperméable à la déprime, un roc. Heureux dans son corps et dans sa tête. Esprit vif, faculté d’assimilation qui lui créerait des jalousies s’il n’avait toujours eu soin, instinctivement, très intuitif le bougre, de la garder discrète. Louis Salernes.
Isa. Nue, boulée au creux d’une couverture, les mains en conque sur son sexe étroit et clos. Pénombre douce et douleurs résiduelles, grand calme. Camisole chimique. Se souvient, mais sans émoi : avec détachement. Elle tourne la tête et le monde subit un doux mouvement de balancement, elle est couchée dans un hamac dont les cordes sont nouées à d’énormes canalisations peintes en rouge vif. Les murs en béton brut : tapissés de canalisations diverses, des chemins de câbles. Les voyants rouges verts des armoires électriques luisent doucement dans la pénombre. Un lit bas, dans un angle, à même le sol : une couchette anti-g mise au rebut. Et là-bas, pendu à une vanne, le gilet chauffant, rouge vif, d’une combinaison spatiale. Sur tout cela flottent odeur de poussière, odeur d’ozone.
La porte s’ouvre et Jeanne, Jeanne aux larges épaules lui sourit.
Isa tend ...