Une maison bleue
Datte: 11/12/2019,
Catégories:
ffh,
exercice,
aventure,
sf,
Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe
... vrilles pour aussitôt renoncer, se refermer comme une huître. La Cité est folle, la Cité hurle, charrie des flots de sang.
Louis Salernes, maintenant. Louis Salernes, la bête rugueuse : assis tassé, avachi dans le ronronnement intermittent et sourd, la tiédeur sale, derrière une broyeuse à déchets. Dans la pénombre, des odeurs vertes et puis grises, un peu collantes, la lente, laborieuse, interminable digestion de l’énorme cylindre vert. Un pet malodorant, un rot métallique. Des lumières crues, mouvantes, rapides, remontent la ruelle. Propos heurtés et gais : ils sont six ou huit ou dix, très jeunes, exclus des bénéfices du Système, qui refluent devant les matraques. Des incendiaires et des violeurs, des gamins qui jouent.
Isabelle la rousse qui court vient de se jeter dans leurs bras, crie, se débat. Ils rient : non mais regarde un peu ce qui nous arrive là, tu sais que c’est pas prudent de sortir toute seule.
— J’espère que je dérange ? dit Louis Salernes.
À ces mots, posés d’une paisible voix de basse, tout se fige pour une seconde. Isa dans un cri. Ecartelée, vaincue, fouillée, meurtrie par des doigts impatients. Les mains qui la plaquaient aux épaules, aux hanches, ses mains crispées sur d’autres mains, la verge qui s’apprêtait à l’investir, tout se fige. Arrêté. Suspendu par la grâce de ces quelques mots. Tout se fige, le temps d’une respiration. Louis, la bête rugueuse. Dessiné en noir contre la clarté lointaine de la rue et les halètements du ...
... broyeur.
Louis Salernes. Grand, massif, les mains comme des battoirs, pas de cou, un torse de lutteur de foire. Une grosse bête, silencieuse et plantigrade, beaucoup de cheveux et de poils, une barbe sauvage, un profil lourd. Un ours.
Tout se fige. Une seconde. Et ça repart. Une bouche avide aspire la pointe d’un sein adolescent. La verge force les tendres babines. Rires lourds et menaces. Ils puent l’alcool. Qu’est-ce qu’il veut, celui-là ? Parlent de le saisir pour le jeter dans le broyeur, divertissement joyeux, on ne retrouvera même pas la boucle de sa ceinture mais il aura le temps de regretter le jour de sa naissance. Il ne serait pas le premier à disparaître de cette façon.
Louis, lent et silencieux, laisse dire mais déplie son corps, lance son poing et l’un des violents le reçoit en pleine tête, fait une cabriole et geint. Isa, oubliée provisoirement, relève et joint ses genoux, noue ses bras autour, une boule de peur. Louis montre ses dents en un sourire féroce.
À la fin du siècle, le déchiffrement, la cartographie du génome humain est chose faite, la prodigieuse machine soupçonnée par Mendel, révélée par Watson et Crick, ADN/ARN et double hélice, n’a plus guère de secrets. Les nano-outils existent, tout devient possible, le pire comme le meilleur, plus probablement le pire.
Alors, des ukases sont promulgués, au nom du pire (et au Nom du Père, car les vieux cons du Vatican ne sont pas étrangers à cette évolution des mentalités). Il est désormais interdit, sous ...