1. Une maison bleue


    Datte: 11/12/2019, Catégories: ffh, exercice, aventure, sf, Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    ... frère ! Et nous devrions aller causer dans un endroit plus isolé.
    
    Ainsi font-ils. Assis sur le bord d’un quai, jambes pendantes. Gog sourit, son sourire ébréché, son haleine malodorante. Pose sur celle d’Isa une main possessive, grosse paluche aux ongles cassés, lourde, chaude et molle, à la moiteur écœurante. Il dit : La France fait montre d’une relative tolérance envers les artefacts. Ce n’est pas le cas du Venezuela, terre d’intense et intolérante tradition catholique. Tu ne souffriras pas que vive une sorcière. La mort immédiate. Non pas une exécution, car un artefact n’est pas un être humain, une mise à mort, expéditive et sans procès. On ne juge pas un animal.
    
    Gog a mêlé ses doigts à ceux de la fille fleur.
    
    — Je la veux, fils de Simon. Tu pars, elle reste.
    
    Louis hoche lentement la tête, saisit son verre et en un geste trop vif pour être décomposé il frappe. Glotte broyée. Le verre éclate, transperçant tout à la fois la paume de Louis et la gorge de Gog, dans un flot de bière. Mais Gog ne s’effondre pas, Gog se tourne en souriant, lent sourire, vers Louis, arrache de sa gorge les fragments de verre, crache du sang. Gargouillement à chacune de ses respirations sifflantes. Et soudain, il agrippe les cheveux d’Isa. Son sourire s’élargit. Douleur. Ce n’est pas bien, fils de Simon, de prendre les gens en traître.
    
    Et tandis qu’il parle, sa main… Douloureusement. Et le sang toujours à flot coule de sa gorge ouverte sur les cheveux d’Isa. Le visage d’Isa serré ...
    ... contre son torse gluant. Gog crie. Elle l’a mordu. Il la rejette, les jeunes dents ont profondément marqué le torse, un presque demi-cercle sous le sein droit.
    
    D’une main de fer, Louis a saisi le gueux à la gorge. Mais Gog continue de sourire, lent sourire, haleine putride, et en un lent effort écarte les deux mains de Louis. Gargouille : « Étonné, fils de Simon ? » Ne lui laisse pas le temps de répondre à cette question. Ses doigts tendus visent les yeux. Louis n’a que le temps de se jeter de côté. Les ongles de Gog lui griffent la joue. Ils s’observent, s’empoignent à nouveau. Les muscles roulent, les os crient. Dents serrées. Basculent et roulent dans l’eau lisse et grise, disparaissent dans un remous. Agrippés, toujours. Luttant toujours.
    
    Vilain temps, au ciel et dans les âmes. Ciel bas, morose, nuages lourds. Âmes inquiètes, agitées par une houle violente. Les rues résonnent. Sirènes hurlantes, sèches rafales d’armes automatiques. Rumeurs de Coup d’état, ambiance électrique. Les narines de Louis palpitent tandis qu’il sonde du regard la longue perspective déserte de l’avenue. Ne tardons pas. Ils marchent. Soudain, à un carrefour, déboule une colonne paisible. Nus. Des Suicidaires. Peut-être un millier. Calmes et graves. Ils chantent : Ce n’est qu’un au-revoir, mes frères ! Ils ont un rendez-vous. Rendez-vous avec l’Océan. Hèlent les Salernes : Venez avec nous, mon frère, mes sœurs ! Louis élude en douceur les bras qui se tendent pour l’entraîner, répond par des ...
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