Une maison bleue
Datte: 11/12/2019,
Catégories:
ffh,
exercice,
aventure,
sf,
Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe
... sourires aux baisers, entraîne Jeanne et Isa dans son sillage. Une beuglante à la puissance non humaine les fait sursauter en même temps que la colonne cesse sa progression. La grande voix est autoritaire, sèche.
Louis pousse devant lui, plus vite, Jeanne et Isa, leur frayant un chemin au sein de l’amorphe pâte humaine toujours surplombée par son chant.
La colonne continue d’avancer, son chant devient plus sonore : Ce n’est qu’un au-revoir, mes frères ! Nous nous retrouverons…
La grande voix : âpre, tendue
La grande voix n’a pas achevé sa phrase, la grande voix, que la première salve retentit.
Drôle de manière de dissuader des gens de se suicider, ricane Louis.
La colonne subit un remous.
Les gaz.
Le bruit, la fumée, l’odeur acide du gaz, la sueur, la peur, la peur, la peur, l’émeute, la tempête, un vent de folie dans son cœur et ses yeux et sa tête. Entre les falaises verticales, clapiers de chiasse. Elle tombe. Elle va être piétinée. Mais les bras de Louis l’arrêtent dans sa chute. L’avenue est devenue un enfer tournoyant, un océan d’animalité aux remous imprévisibles. Orage dont les éclairs sont des rafales d’armes automatiques. Brume de gaz déchirée par la grande voix. La grande voix, haletant, tonne maintenant dans le registre implorant.
Une ruelle s’offre aux Salernes. Ils s’y jettent ; ils courent, poursuivis par les échos de la fusillade.
La grande voix s’est tue. L’homme a-t-il été réduit au silence par ses gens ou par les suicidaires ? ...
... On ne le saura jamais. Une partie de la colonne des suicidaires, éclatée s’engouffre dans la ruelle à la suite des Salernes, sur les talons des Salernes. Le port, enfin. La haute muraille noire du C.-d.-G. Au pied de la passerelle, Louis s’arrête, juste à temps pour voir les premiers suicidaires se jeter dans l’eau sale.
Isa tend ses bras son visage au ciel immense, tombe en arrière dans l’eau et rit. Une vague la coiffe, elle en émerge d’un bond, crachant et riant toujours. Elle arrache sa chemise, elle en fait don à l’Océan qui la roule mollement, sa culotte qu’elle fait tournoyer au bout de son index. Louis saute à son tour dans l’onde amère. Nu, précédé par son désir. L’enlace, ils roulent. La virilité puissante du fils de Simon se fraye un passage entre les tendres babines, de l’enfant jeune fille, il la fourre. Le visage entre ses seins menus. Isa a passé les bras autour de son cou, mord sa peau. Jeanne les rejoint. Il se retire d’Isa, s’enfonce en elle d’un trait. Isa. Jeanne. Isa. Il lève la tête vers le ciel, explose, se répand. La nuit est là.
Bon, te parler de la maison. Bleue, bien sûr puisque tel est le titre de l’histoire. De la couleur des capteurs qui recueillent l’énergie du soleil. Une maison intelligente. Les Salernes n’ont pas regardé à la dépense pour acquérir, concevoir ce qui se fait de mieux. L’ordinateur, ils l’ont appelé Carl, en souvenir d’un vieux vieux film qu’ils regardent encore de temps en temps. Carl, maître des panneaux solaires. Il les ...