La forêt - Histoires de Sexe

La forêt

... me regarder comme si je lui réservais une vilaine surprise.

Elle va s’étouffer à engloutir la nourriture ainsi.— D’où viens-tu ? parviens-je à glisser.— De KewellJe connais ce nom, nous y sommes passés avec nos troupes, il y a longtemps, bien avant la bataille de la vallée d’Angst. C’est une petite bourgade tout proche des frontières ennemies, un bien mauvais endroit pour vivre qui n’a cessé ces dernières années de passer d’un camp à l’autre. Lorsqu’il était nôtre, une partie de nos hommes y avait pris campement, des blessés pour la majeure partie d’entre eux, quelques malins aussi.Un sombre pressentiment traverse mon esprit et me glace l’échine. La pauvre promène son regard vide dans tous les sens. Elle fait peine à voir, pourtant je la devine jolie, elle devait l’être en tous cas.— Tu as fais une longue route jusqu’ici.— Pas si longue que ça, coupe-t-elle en se léchant le bout des doigts.— Quel est ton nom ?— Sylène, Sylène de Kewell.Une bâtarde, on lui a donné le nom du village où on l’a trouvée. La particule me fait sourire.— Mon nom est Lorn.— Ah oui ? répond-elle sans même lever les yeux vers moi. Les doigts gras et luisants, elle s’acharne sur un autre bout de viande.— Qui t’a fait cela ?— Qu’est-ce que ça peut bien vous faire ?— Tu es dans un piteux état.— Ne vous inquiétez pas, j’ai encore assez de vigueur pour vous payer le repas.Elle me tance d’un méchant regard, bombant sa maigre poitrine.— Je pense que tu te méprends, jeune fille, je ne veux rien de toi.— ...

... Vraiment ?Elle semble presque désolée.— Vraiment.— Comment vais-je vous payer alors ? Je n’ai que mon corps, c’est mon argent.— Je te l’ai dit, je ne veux rien, dis-moi juste qui t’as mise dans un pareil état.— Vous êtes bien étrange en vérité, pouffe-t-elle en recrachant quelques morceaux de viande.— Si ne pas vouloir te posséder est étrange à tes yeux, alors oui, je le suis. Sache toutefois que j’appartiens à l’Unique et que chair est péché pour moi et les miens.Elle éclate de rire, puis se fige dans une moue haineuse :— Ah oui, chair est péché pour vous autres, hommes de Dieu !À nouveau elle s’égosille en un rire fort et désagréable.— Et bien quoi, qu’est-ce que cela a de drôle ?— Des hommes de Lazarre sont venus, des blessés, des mourants, et puis d’autres, bien portants. Ils sont restés quelques temps, ont pris ce qu’il y avait à prendre et sont repartis. Et puis d’autres hommes sont arrivés, des soldats et des moines d’Elvin. Kewell est un petit village et les nouvelles vont vite jusqu’aux autres petits villages. Ils savaient que des hommes de Lazarre avaient séjourné parmi nous. Elle se met à rire, puis reprend : ils nous ont fait payer cher le prix de notre trahison.Elle jette un os rongé dans le feu. Inutile d’en demander plus, j’imagine ce qu’elle a dû subir. Peut-être même que Kewell n’existe plus— Tu as réussi à t’échapper ?— Oui, j’ai eu de la chance, murmure-t-elle en remontant le col de sa cape jusqu’à ce qu’il enserre tout le bas de son visage.— Si tu le veux, tu ...