1. La forêt


    Datte: 30/11/2019, Catégories: nonéro, aventure, fantastiqu, sorcelleri, merveille, Auteur: Gaed, Source: Revebebe

    ... m’émerveiller devant cette liberté nouvelle, grisante comme du bon vin.
    
    Du bruit.
    
    Là, à ma gauche.
    
    Des pas sur des branches sèches.
    
    J’éteins le feu avec de la terre, me redresse, dégaine l’épée hors de son fourreau, puis recule doucement vers la lisière jusqu’à ce que les arbres me camouflent. Précaution bien inutile en vérité. Avec le feu qui brûlait quelques instants plus tôt, si on en avait voulu à ma vie, je serais déjà mort. Il me faudra être plus prudent à l’avenir, le front n’est pas si loin et même si le paysage est avenant, gageons que les rencontres pourraient être dangereuses.
    
    Je tends l’oreille.
    
    Il n’y a qu’une personne, c’est certain, ses pas sur le sol la trahissent. Visiblement, elle ne prend pas de précautions.
    
    Une ombre sous la lune.
    
    La voilà à quelques mètres de moi, puis du feu aux braises mourantes. Elle se fixe devant le fleuve. L’inconnu pris sous une large cape s’agenouille, plonge ses mains dans l’eau, les porte à ses lèvres. J’ai du mal à le distinguer nettement sous la pâle clarté lunaire. Son corps est menu et de petite taille, on dirait une femme, mais je n’en suis pas certain. L’inconnu se redresse, se dirige vers le feu éteint, tend la main vers la viande séchée.
    
    Je fais un pas à gauche, un autre, puis encore un. Mes pieds nus sur les ronces m’arrachent un gémissement. La forme se fige, puis se redresse, et s’agite comme à la recherche d’une arme sous ses vêtements.
    
    Trop tard pour elle, deux enjambées et mon épée ...
    ... pointe son visage. Elle recule, impossible de distinguer ses traits sous la large capuche.
    
    — Allons, ne bouge pas.
    — Je vous en prie, Monseigneur, ne me faites pas de mal.
    
    Je baisse mon arme, et d’un geste tire sa capuche. J’avais raison, c’est une femme.
    
    Son visage semble jeune, mais il me serait bien difficile de lui donner un âge tant ses traits sont tirés et sa peau marquée, toutefois l’éclat de l’œil trompe rarement. Ses pommettes sont bleuies, sa lèvre supérieure fendue, le sang séché sur la commissure forme comme un demi-sourire. Ses cheveux sales tombent en cascades irrégulières sur ses maigres épaules et ses joues noircies de crasse. Sa cape n’est que haillons, elle remonte jusqu’à son cou, l’étouffant presque. Son visage a quelque chose d’inquiétant, d’apeuré aussi.
    
    Mais peut-être est-ce moi qui l’effraie ainsi.
    
    La pauvre a dû subir mille tourments pour être dans ce triste état. Sûrement l’une de ces nombreuses paysannes livrées aux affres de la guerre. Voilà donc pourquoi elle me nommait Monseigneur.
    
    Je lui fais signe de s’asseoir près du feu, elle s’exécute avec défiance. Je me place en face d’elle et réchauffe mes mains sur les braises brûlantes. Elle me fixe, l’air apeuré. Je lui tends un morceau de viande séchée, mais la faim a bien vite raison de ses craintes et elle s’en empare avec avidité, jetant au passage un regard sombre sur le cercle de croix frappé sur le dos de ma main. Elle avale sans respirer, presque rageuse, tout en ne cessant de ...
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