1. La forêt


    Datte: 30/11/2019, Catégories: nonéro, aventure, fantastiqu, sorcelleri, merveille, Auteur: Gaed, Source: Revebebe

    ... bruissement tout d’abord, presque un murmure.
    
    Je hâte le pas.
    
    Une ondulation, un frémissement.
    
    Le bruit de l’eau.
    
    C’est encore lointain, mais ce mince bourdonnement agit comme un élixir sur mon corps fatigué et mon avancée se fait plus rapide. J’ai rangé mon épée dans son fourreau, je sens battre le métal sur mon dos. Encore un effort, j’y suis presque.
    
    Maintenant le son est plus clair. Le courant du fleuve, son tirant sur la pierre, résonne dans toute la forêt. L’odeur est là aussi, cette odeur particulière des étendues fermées, le parfum des rivières, des roches et des lacs. Les grands colymbres eux-mêmes semblent plus droits, majestueux sous leur couronne verte ourlée de mauve.
    
    Des couleurs ?
    
    Le jour se lève.
    
    J’avance aussi vite que je peux, repoussant des mains les quelques branches chevauchantes qui gênent encore ma progression. Cette forêt est ahurissante de densité, plus encore maintenant que le noir devient clair et que le jour chasse la nuit. Le chemin se fait route, la lumière me happe et d’un coup je le vois, si large que je n’en distingue que partiellement l’autre rive. Son courant lascif caresse des bandes de terre ocre qui le séparent de la forêt, de ce bois qui le cerne de toute part, l’enserre et le protège. Pourtant il est là qui s’écoule, pris dans son écrin vert, scintillant sous les éclats du soleil naissant. Même le grand astre arbore ce matin des teintes particulières, rougeoyantes sur sa bannière dorée.
    
    Le fleuve est là, ...
    ... fort et franc, embrassant sa terre. J’ai l’impression de retrouver un ami perdu depuis longtemps. Je m’agenouille, plonge mes mains dans son ventre frais. L’eau est claire comme un miroir, elle me renvoie mon reflet triste. Se peut-il que cela soit mon visage ? Comme j’ai vieilli en huit ans, comme j’ai vieilli.
    
    Regarde-toi.
    
    Je sens des larmes couler le long de mes joues sales, quelque chose en moi qui cède, et je me mets à pleurer sans retenue, sans comprendre pourquoi.
    
    Le bruit est partout, les oiseaux font bruisser les branches. Tantôt une paire d’ailes se perd dans le lointain, puis c’est un vol de layaks blancs qui fait chanter les feuilles. Un mince filet de vent froisse la surface du fleuve, caresse les cimes des colymbres, s’engouffre dans les sous-bois et s’en va vers la nuit d’où je suis sorti.
    
    J’avais oublié ces merveilles. Cela se peut-il ? Comment ai-je vécu toutes ces longues années ? Le soleil continue de monter dans le ciel en même temps, qu’à nouveau, les voix de la vieille femme et du chat se frayent un chemin dans mon esprit.
    
    Descends le fleuve.
    
    Descendre ce fleuve qui n’est indiqué sur aucune carte… Cela n’a pas de sens, comment nos cartographes ont-ils pu manquer un tel endroit ?
    
    Je n’ai pas de réponses, pas d’indications, juste une certitude : un fleuve doit forcement se jeter dans une mer. En ce cas, je le suivrai jusqu’au point de jonction. Me mèneras-tu à l’océan ? Je n’ai d’autre choix que de te faire confiance.
    
    Au moins fait-il ...
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