La forêt
Datte: 30/11/2019,
Catégories:
nonéro,
aventure,
fantastiqu,
sorcelleri,
merveille,
Auteur: Gaed, Source: Revebebe
... jusqu’à la prochaine halte où nous pourrons dormir un peu. Surtout dormir, oui, le repos avant tout. Qu’est-ce qui nous maintient en vie, d’où vient cette volonté farouche de survivre à tout prix ? Pourquoi vivre ainsi ? Le monde est devenu fou, il brûle et son âtre vivace se nourrit de notre chair, de notre sang. Et les saisons froides de plus en plus cruelles qui se délectent d’avance d’emporter nos hommes, en plus grand nombre encore que nos petites lames prétentieuses ne pourront jamais prétendre. J’en suis venu à détester la saison claire, je la sais trop courte et en ces misérables temps, on ne pense qu’au pire.
Il est loin l’enthousiasme des débuts qui perlait de chaque point de nos étoffes neuves, de nos plastrons luisants marqués du sceau du Cercle. Les belles troupes que nous étions alors, la tête haute aux portes de la grande cité de Karr. Notre tâche était noble, l’Unique, notre seul guide. Il en est des guerres saintes et des guerres en général comme des saisons, elles reviennent à intervalles réguliers, celle-ci serait plus belle, plus grande encore que toutes celles d’avant réunies. Qu’en restait-il maintenant de cette croisade en terres cousines ?
Huit longues années d’échauffourées, d’embuscades, de batailles de front. Huit longues années de pillages, de mises à sac, de viols, de villages brûlés. Trop de moines défroqués, trop d’hommes de Dieu corrompus. Avec eux, dans ces mêmes actes, j’ai perdu mon ignorance en même temps que ma foi, l’une et ...
... l’autre voyagent souvent de pair.
La guerre sera bientôt loin, je l’espère, mais le vide reste.
Continuer de marcher, je devrais être habitué.
Penser à l’océan.
Avancer.
Encore.
Les yeux du chat noir ne me laissent pas en paix. Ni ses yeux, ni son étrange message.
Descend le fleuve, descend le.
Machinalement, je porte la main à ma poche sous la cuirasse, la pierre est là tiède dans le tissu de mes vêtements. Je réfrène avec peine l’envie de m’en saisir, mais le souvenir des images est lui aussi vivace et je préfère m’épargner ces maudites visions. Inutile de chercher un sens à ce qui n’en a pas. Mieux vaut continuer de progresser, céder à un abrutissement salvateur.
Alors j’avance, épée à la main, titubant, coupant de vertigineuses branches qui s’écroulent sur le sol, taillant mon chemin à travers les racines et les ronces. Huit ans de guerre m’auront au moins appris le labeur et la discipline.
Un sentier s’est à nouveau dessiné, c’est bon signe. Il avait disparu pourtant il me semble l’avoir suivi, d’instinct. Décidément cet endroit recèle bien des mystères. Le chemin de terre s’élargit, lézarde, un coup à gauche, un coup à droite. Je pourrais aller plus vite, couper à travers bois à la seule force du poignet, mais je m’accroche à ce sentier comme à un fil de vie et le voilà qui s’élargit encore.
La végétation se fait moins dense, la sensation d’oppression s’évanouit lentement au même rythme que le brouillard, mais surtout je l’entends : un ...