1. La forêt


    Datte: 30/11/2019, Catégories: nonéro, aventure, fantastiqu, sorcelleri, merveille, Auteur: Gaed, Source: Revebebe

    ... Sur les ruines des villages, dans la fumée encore chaude des pillages, nous autres, soldats de Dieu, partions toujours après les troupes royales, après les massacres, après les mises à sac, après les viols. Prendre les esprits, c’est tout ce qu’il restait.Les conversions, le feu dans nos yeux.Les supplices pouvaient être longs et cruels pour les esprits revêches. Œil pour œil, nos ennemis nous le rendraient bien. Ainsi nous continuions de terres brûlées en terres brûlées, de bourgs en bourgs, d’est en ouest.D’est en ouest.Le soleil de face, baignant dans la lumière d’une foi aveugle. Mais non, mon Dieu, tu n’as pas pu vouloir cela, c’est impossible. Toute cette folie, cet incroyable gâchis. Tu n’as pas pu le désirer.— Pourquoi avez-vous fui le combat, Monseigneur ? Une lueur narquoise brille dans son regard.— Je ne fuis pas. Notre troupe s’est simplement disloquée après la bataille de la vallée d’Angst.— La vallée d’Angst ? Mais c’est si loin d’ici ! Depuis quand marchez-vous ? Et pourquoi aller vers l’océan si ce n’est pour fuir ?Trop de questions, elle me fatigue soudain.— Je n’ai pas envie d’en parler. Tu sais qui je suis et d’où je viens, cela devrait te suffire. Nous avons vu, toi et moi, des choses bien sombres, des choses qu’il vaut mieux taire. Demain, tu suivras ta route et moi la mienne, peut-être trouveras-tu Karr, peut-être atteindrai-je l’océan. L’Unique ou la chance seront seuls guides. En attendant, mieux vaut dormir et ne pas poser trop de questions. Une ...
    ... dernière chose : je n’ai presque rien à voler et si tu t’y hasardais, je défendrais ce peu de chose sans état d’âme. Homme de Dieu ou pas.— Homme de Dieu surtout, murmure-t-elle en me regardant m’allonger près du feu.Elle frissonne et s’étend à son tour. Nos regards se croisent entre deux flammes mourantes. Nous nous fixons un court instant, puis ses yeux se ferment et elle se blottit sous sa misérable cape.De la main, je cherche les quelques bouts de bois secs que j’ai récupérés un peu plus tôt. J’en saisis quelques-uns et les jette dans les braises. Les flammes s’agitent, puis reprennent leur doux crépitement, je remonte ma cape. Au-dessus de moi les étoiles sont légions, le fleuve n’en finit pas de bruire doucement, étrange berceuse qui me happe lentement vers des rivages opaques. Mes yeux se ferment et la nuit m’enveloppe.X
    
    Des bruits de cloches dans le lointain. Une voix, un chant. C’est la vieille femme qui remue les lèvres.
    
    Des petits yeux brillants luisent dans la nuit et le chant se disloque jusqu’à devenir multiple, et toutes ces voix comme une seule qui chuchotent et chuchotent.
    
    À nouveau, ce son de cloche dans le lointain.
    
    Puis, plus rien.
    
    Le soleil est là et c’est comme si je n’avais pas dormi. Le chant résonne encore dans ma tête, mais je ne saurais le fredonner. Seules quelques bribes de phrases me reviennent en mémoire sans que je puisse vraiment jurer de leur cohérence ni de l’exacte fiabilité de mes souvenirs. Je ne pourrais lire mes songes, je ne ...