1. La mangeuse d'hommes


    Datte: 07/11/2019, Catégories: fh, bain, campagne, amour, lettre, historique, lettres, historiqu, Auteur: Asymptote, Source: Revebebe

    ... je m’étonne que bien qu’universellement proclamée tant par les faibles que les forts, lui puisse succéder cet engouement qui jette nos jeunes recrues (et j’en fus, en dépit de l’avis de Jaurès) sur le théâtre des batailles.
    
    Étonne-toi que nous cherchions l’évasion, le rêve, l’espoir… Et cela, pour moi, se condense en un mot, en un prénom : le tien, Émilie, charmante muse.
    
    Ainsi donc, folle pimbêche, tu oses m’avouer que le tiroir à tilleul de la pharmacie était plein, que c’est volontairement que tu as coincé ta robe au haut de cet escabeau, que mille fois tu as abusé de mes timidités avec le projet d’exacerber mon sentiment, que tu t’es réjouie de mes yeux de merlan frit et gaussée de moi avec ta cousine !
    
    Heureusement qu’enfin une rencontre inopinée vint rompre ces puérils amusements qui menaçaient de s’éterniser sans quoi, à ce jour, je n’aurais pas de réchauffe-cœur en ces lieux glacés.
    
    Ce mercredi, je t’ai croisée à vélo alors que je revenais du village voisin. Échaudé par tes caprices lors du bal, la semaine précédente, je me suis contenté de te saluer un peu froidement d’un simple « Bonsoir, Mademoiselle Émilie. » Visiblement mécontente, tu as posé pied à terre pour m’apostropher assez rudement : « Voyez donc ce goujat qui passe des soirées complètes à me conter fleurette en la boutique et qui s’enfuit lorsqu’il me rencontre seule ! » M’arrêtant à mon tour et en risquant deux pas craintifs dans ta direction, je déclarai : « Je croyais n’avoir point ...
    ... l’heur de vous plaire et me défendais de vous importuner. » Là, tu fis semblant de t’indigner : « L’heur de me plaire, de m’importuner, il me la baille bien belle, monsieur l’instituteur ! Mais l’heure a tourné ; taisez enfin vos scrupules ! J’allais herboriser du côté de l’étang. Si vous souhaitez m’y escorter, j’aurai le plaisir de vous découvrir une plante des plus rares. » Ta malice te dicta la duplicité du propos ; pourtant ma naïveté me faisait te concevoir si candide que j’entendis ta phrase au premier degré. J’ai néanmoins objecté qu’il n’y avait pas d’étang en ces parages. En riant, tu me répondis : « On voit que vous n’êtes pas du village. Il en est un, toutefois si bien caché que peu de gens le connaissent. » Toujours à vélo, tu me fis revenir sur mes roues d’un bon kilomètre. Puis, nous nous engageâmes sur une minuscule sente qui partait à droite de la route.
    
    Derrière toi, je me laissais envoûter par la grâce de tes formes, par ta taille de guêpe, par ce déhanchement qui accompagnait chacun de tes coups de pédales et le tortillement de tes fesses (eh oui, je me suis permis) qui en résultait. Le tableau était plus que ravissant. Le terrain se fit chaotique et nous abandonnâmes nos bicyclettes en les cachant. Tu me pris par la main – jamais je n’aurais osé – et me guidas à travers un lacis de pistes étroites où le chemin parfois se perdait entre les buissons. Au bout d’un moment, tu te tournas vers moi me disant : « Savez-vous, cette promenade improvisée m’évoque ...
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