1. La mangeuse d'hommes


    Datte: 07/11/2019, Catégories: fh, bain, campagne, amour, lettre, historique, lettres, historiqu, Auteur: Asymptote, Source: Revebebe

    ... s’accrochaient aux fenêtres et marchepieds des wagons, quand j’ai rejoint le mien, tu t’es reculée pour te poster sur un petit banc en arrière et j’ai pu ainsi t’embrasser du regard.
    
    Ce vaste calice blanc, somptueusement épanoui que tu balançais au-dessus de la foule éperdue composait une vision que rien ne ternira jamais et que j’ai gravée sur ma rétine éblouie. J’ai alors, et brusquement compris la force et la profondeur de ce qui nous unit. L’épreuve qui s’annonçait avait au moins le mérite de me le révéler limpidement. Notre amour n’est ni simple harmonie des cœurs, ni sommaire unisson des corps, mais tous deux indissolublement.
    
    Le train s’est ébranlé, et tandis que ta silhouette se dissipait, soudain je t’ai discernée planant dans les nues, déployant la traîne flamboyante de ta chevelure dorée, enveloppée du seul voile translucide de ta chemise qu’irriguaient les éclats cuivrés d’un soleil resplendissant.
    
    Jusqu’à Dijon, tu m’as ainsi escorté. La volupté de tes formes épousait tantôt l’ondulation dorée des blés, tantôt les volutes alanguies des moutonnements nuageux qui donnaient du relief aux cieux. Quand notre convoi traversait des forêts, je t’entrevoyais jouant à cache-cache dans ces futaies et il me semble même t’y avoir aperçue absolument nue, éraflant ton corps délicat contre l’écorce rêche des puissants baliveaux.
    
    Voilà plusieurs heures que nous roulions et, épuisé par la chaleur autant que le désarroi, ressassant toujours nos adieux, je somnolais ...
    ... légèrement. Le claquement monotone des roues sur les jointures des rails générait des saccades qui, conjuguées à mes rêveries sensuelles, me causaient une légère érection. Les lieux résonnaient d’un brouhaha confus entremêlant lamentations, propos belliqueux et ronflements sonores. Ce tapage brutalement cessa. Tu venais d’entrer dans notre fourgon. Je t’ai un instant confondue avec « La liberté guidant le peuple » de Delacroix car tu portais sa fière résolution dans le regard et les gestes, t’affichais comme promesse et récompense de victoire. Ta vêture diaphane laissait transparaître l’orgueil de ta gorge aux seins gonflés d’une ardeur aussi fougueuse que généreuse. Tu te posais, femme et emblème, pointant des aréoles délicieusement carminées et tes tétons agressifs.
    
    Tu t’es avancée, étouffant les paroles agressives de mes très récents camarades sous la cascade perlée de ton rire clair. Lorsque tu es passée devant moi, en me souriant, j’ai deviné sous ta chemise, à la jointure des cuisses, le bouquet odorant en lequel, dès lors, je fus impatient de m’égarer à nouveau. Tandis que tu t’éloignais, je suivais des yeux ton envoûtante chute de reins, et un chaos plus violent me conduisit au seuil de l’éjaculation.
    
    Des cris m’ont éveillé, nous entrions en gare de Dijon.
    
    On n’écrit pas de pareilles sottises à une jeune fille. Tu me pardonneras ces fantaisies polissonnes mais je suis merveilleusement placé pour savoir que sous tes airs sages, tu es fort éloignée d’être bégueule, ...
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