1. La mangeuse d'hommes


    Datte: 07/11/2019, Catégories: fh, bain, campagne, amour, lettre, historique, lettres, historiqu, Auteur: Asymptote, Source: Revebebe

    ... infailliblement celle d’Emma et de Rodolphe lorsque leur sortie à cheval les conduit vers un étang secret. » Tu me lanças cela sans te troubler le moindre peu. Était-ce invite ou propos d’écervelée ? Je n’eus pas le temps d’y réfléchir car tu te tordis la cheville et vins t’appuyer, roucoulante, sur mon épaule. Je ne sus que conseiller, la mort dans l’âme, de rebrousser chemin. Tu me foudroyas du regard et de ces mots : « Des outrages bien plus conséquents que ce modeste horion ne sauraient me dissuader de poursuivre, et pour avoir le privilège de me pendre ainsi à votre bras, je suis prête à me transformer en Lavallière sans le moindre regret. » Tu m’affolas si fort, qu’encore sous le coup des rancœurs qu’avait nourries la fête communale, je fus tenté de fuir. Où donc me mèneraient tes extravagances ? Mais de quel délicieux poison aussi m’enivraient-elles !
    
    Dès que nous approchâmes de l’étang, tu oublias ta cheville, t’arrachas de mon bras et te précipitas vers lui. Perplexe, je te suivis lentement, ressassant mes émois sans me rendre compte que, pendant ta course, tu déboutonnas ton vêtement. Accédant aux berges entourées d’une épaisse roselière, en un tour de main tu retiras tes bottines et tes bas, puis sans te retourner te dépouillas de ta robe avant de pénétrer, habillée de tes seuls dessous, dans l’onde sombre. Mon premier sentiment fut de colère : tu t’exposais donc au premier venu, sauf qu’en l’occurrence je ne trouvais pas malvenu d’être celui-ci. Mais ...
    ... étais-je bien le premier venu ?
    
    Ces désobligeantes interrogations ne firent que m’effleurer car le spectacle que tu m’offrais les balaya instantanément. Ta chemise ondoyait autour de ta taille, dessinant une vaste corolle. Tu fus mon éblouissant nymphéa flottant sur le miroir paisible des eaux qui remontaient par capillarité, mouillant ton corsage et le rendant diaphane. Nymphe, sirène ou naïade, je sus que dorénavant tu illuminerais ma vie d’un reflet surnaturel et qu’indéfiniment tu serais à mes yeux déesse ayant pris forme humaine.
    
    Après m’être rapidement dévêtu, ne conservant que mon caleçon, je te rejoignis, en quête de tes lèvres fraîches qui exhalaient un goût exquis et un capiteux parfum de tilleul. Sans abandonner ta bouche, je t’ai soulevée pour te tirer de ces flots glacés et venir t’étendre sur un lit de mousses embuées et odorantes, sous le couvert d’un grand saule. Là, je me perdis dans la contemplation des pétillements lumineux qui dansaient sur ton front, ton cou et tes bras, allumant les perles d’eau qui y brillaient de fantastiques irisations.
    
    Tu te tournas vers moi, et dans un large sourire te moquas : « Avec vous, on n’a pas le choix : il faut provoquer. » Je fus si stupéfait que je ne trouvai rien à répondre, alors tu commandas : « Déshabillez-moi ! » et moi, incurable balourd, de rétorquer : « Mais vous êtes déjà toute nue ! » Ta réplique fut cinglante : « Point assez ; je souhaite que vous en rougissiez, et vous restez aussi pâle qu’un spectre. » Du ...
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