La mangeuse d'hommes
Datte: 07/11/2019,
Catégories:
fh,
bain,
campagne,
amour,
lettre,
historique,
lettres,
historiqu,
Auteur: Asymptote, Source: Revebebe
... symbole de victoire, leur rappeler la douceur du foyer quelles qu’y soient les rudesses de la terre, leur rendre simplement l’espoir d’une vie. Bien sûr, ils t’ont vue femme et femelle, une autre mangeuse d’hommes à laquelle ils auraient été tellement plus heureux de se sacrifier.
Lorsque nous les avons quittés, un peu avinés, ils m’ont demandé la permission de t’embrasser, ce à quoi j’ai naturellement cédé. Une fois sortie, tu t’es plainte de l’un d’eux qui t’avait pincé les fesses et m’as rudement apostrophé en me déclarant ne pas être « une pute à soldats ». J’ai tenté de t’expliquer qu’il n’y fallait pas voir malice mais tu t’es fâchée, et le fossé qui séparerait désormais nos mondes m’est apparu dans toute sa vertigineuse profondeur.
Dans nos tranchées, vous êtes au centre de nos conversations, et ne pense pas que ce soit toujours en termes châtiés que nous vous évoquons. Il y a peu, j’aurais été effrayé par la vulgarité de nos propos salaces, de ces blagues grasses ou de ces histoires obscènes aussi indispensables et louches que le rata. Je sais qu’à l’arrière on nous reproche les bordels militaires de campagne tout en ignorant ce qu’enferment ces tristes institutions et le misérable sort des filles, pourries de maladies vénériennes, qui y « abattent » entre soixante et cent hommes par jour. Sais-tu que mes compagnons ne sont pas loin de me reprocher de ne pas y appointer ? Mais toi seule me préserves de ces indignités, et je ne m’imagine pas me remémorant ton ...
... sourire en m’abandonnant à des bras vénaux.
Laissons là ces barbaries pour me permettre d’évoquer le plus brillant des souvenirs de cette permission. Tu t’étais rendue chez mesdames couturière et corsetière que nous avions visitées dès notre arrivée à Dijon. J’avais dépensé dans leurs ateliers une large part de mes économies afin de pouvoir promener ici une souveraine à mon bras, les derniers jours. Tu devais cet après-midi prendre livraison de ces emplettes, t’en revêtir immédiatement et me rejoindre au square Darcy. Comme toutes les attentes de ceux qui ne disposent que de peu de temps, celle-ci fut infinie et l’anxiété me gagna. Mon émerveillement, nourri par ces fiévreuses inquiétudes, fut complet lorsque tu parus enfin.
Tu étais féerique dans cette robe très moulante qui épousait parfaitement tes galbes qu’accentuait le corset, sans doute serré à outrance et soulignant ta taille bien prise. Accourant vers moi pour te pendre à mon cou et me remercier de cet écrin qui te mettait si idéalement en valeur, tu semblais voleter au-dessus du sable chaud qui couvrait les allées du parc. Puis tu t’accrochas à mon bras et me fis faire par deux fois le tour du square. Tu faisais tourner les têtes, celles des hommes aux regards chargés d’envie, celles des femmes à l’œil flambant de jalousie. J’étais bouffi d’orgueil de t’exhiber ainsi, et tu ne l’étais pas moins.
Après, tu voulus déambuler jusqu’au palais des ducs, longue flânerie où tu n’épargnas rien « Au pauvre diable » que ...