La mangeuse d'hommes
Datte: 07/11/2019,
Catégories:
fh,
bain,
campagne,
amour,
lettre,
historique,
lettres,
historiqu,
Auteur: Asymptote, Source: Revebebe
... d’acheter de quoi déjeuner dans notre chambre ? Tout nu, je me suis posté en embuscade dans la grande armoire. Tu es revenue et m’as appelé avant de te pencher à la fenêtre, décontenancée. J’en ai profité, et lançant ma charge baïonnette au canon, j’ai assailli tes arrières en dépit du drapeau blanc qui te couvrait et que j’ai enlevé hardiment. J’ai traîtreusement attaqué le glacis rebondi de tes bastides postérieures séparées par une profonde tranchée et ai fait tomber ces redoutes. Malgré ton rempart désormais dépourvu de toute protection, tu as tenté de faire front mais j’ai forcé ta citadelle, ai réduit ta bouche à feu au silence. Tu étais à ma merci. Sans pitié, j’ai enfoncé tes derniers retranchements, culbuté tes défenses rapprochées et investi la place. Tu as demandé grâce, m’offrant ta reddition, mais je t’ai basculée pour fouiller ta blessure de mon poignard avide. À grands coups de bélier, j’ai défoncé ta porte dissimulée. Ma sape a alors eu raison de tes résistances défaillantes. Un moment toutefois, dans une ultime révolte, tu as planté la lame affilée de tes ongles dans mon flanc droit et, profitant de l’effet de surprise, tu m’as retourné, suspendant la menace de tes obus affolants au-dessus de ma tête, dénouant le casque qui maintenait ta chevelure. Ma salve finale a perforé ton ventre et tu t’es abattue, fauchée, vaincue, tandis que je savourais ma victoire et la gloire de ta conquête. J’ai joui de consommer ta défaite, mais en celle-ci tu sus t’abandonner ...
... si céleste et divinement alanguie que j’ai renoncé à t’infliger mon triomphe et, terrassé par tes armes secrètes, je me suis incliné.
Vois-tu, il n’est rien d’indemne, et mon vocabulaire amoureux aussi se fait guerrier. La mémoire cependant est intacte, et tu pourras revêtir cet épisode d’oripeaux moins bellicistes, pourvu qu’il te reste inaltérable à l’égal de ce qu’il est en moi.
Il y eut également ce fameux soir où après une agréable promenade nous sommes entrés dans une taverne afin de nous y rafraîchir. Trois hommes du 152e RI qui venaient de quitter l’hôpital militaire y étaient attablés, et je les ai évidemment salués. Ils nous ont invités à leur table, et inévitablement nos propos se sont emballés, nous ramenant au HWK. Ma pauvre amie, comme nous avons dû t’ennuyer sans que je m’en aperçoive ! Cette litanie de morts et de blessés scandée devant toi ! Je n’ai pas plus constaté qu’ils te dévoraient des yeux au point de te mettre mal à l’aise. J’avais retrouvé ma vraie famille, une famille de sang, bien qu’il ne faille pas entendre ce mot selon le sens commun. Nous avions partagé tout ce que le pire peut réserver et allions bientôt nous retrouver là-haut, grelottant dans la même fange, soumis à d’horribles incertitudes qui nous lieraient dans une indéfectible communion.
Comprends que ces trois malheureux te voyaient princesse animant leur néant quotidien ; durant une courte heure, tu as dû cristalliser toutes leurs aspirations, te faire et colombe de paix et ...