1. Le dernier des Gédail


    Datte: 01/09/2019, Catégories: nonéro, délire, Humour Auteur: Domi Dupon, Source: Revebebe

    ... défoncé le portail d’entrée. On comptait sur la surprise pour déposer nos bombinettes et la panique des premières explosions pour s’enfuir. Mais on s’est fait cueillir comme des jobastres, on a même pas eu le temps d’ouvrir les portières. On s’est retrouvés face à Vador à qui les nazis nous avaient remis. Il leur avait demandé qu’on lui soit livrés en prétendant qu’il pourrait nous retourner.
    — Ça n’a pas marché ?
    — Ça pouvait pas. Il a à nouveau essayé de nous convaincre que nous étions ses enfants, qu’on devait le rejoindre. On a eu droit à nouveau à son couplet sur la force. Ce salaud, il nous prenait pour qui ? La persuasion ne marchant pas, il est passé aux menaces. Soit on travaillait pour lui, soit il butait Jan. Et là ce couillon, alors qu’on aurait pu ruser, il a voulu jouer les héros, nous a incités à ne pas céder à ce chantage. Ça n’a pas traîné : une balle de Lüger dans la tête et ils ont évacué son corps. Ça a marqué la fin des négociations. Trop lâche pour nous tuer lui-même, il nous a confiés à la Gestapo. Mais nous n’étions que du menu fretin. On s’est retrouvés dans un train pour Ravensbrück.
    
    L’homme se mit à pleurer. Le garçon se rapprocha du client et à voix basse lui dit :
    
    — C’est toujours comme ça quand il en arrive à ce point de son histoire.
    — Je vais lui foutre la paix.
    — Non, ne vous inquiétez pas, il va la finir avec ou sans vous. C’est comme ça chaque vendredi. Je vais lui remettre un pastis.
    
    L’homme sortit un grand mouchoir pas très ...
    ... net, essuya ses larmes et se moucha bruyamment. Il descendit le pastis et reprit son récit comme s’il n’y avait pas eu d’interruption.
    
    — Je m’rappelle comme si c’était hier. Ils nous ont mis dans un wagon à bestiaux. Sauf que Leïla était trop belle. Ça a inspiré les gardiens. Schweinhunde ! Ils l’ont prise avec eux. Je ne préfère pas imaginer ce qu’ils lui ont fait. Juste quand ils ont eu fini de s’en servir, ils ont balancé son corps sur le ballast. Vous dire pourquoi j’saurais pas, mais à ce moment précis j’ai regardé par un interstice et je l’ai vue rouler sur les cailloux. Ça m’a rendu fou. J’ai voulu ouvrir la porte du fourgon. J’crois que les autres ont compris ma folie, ils m’ont aidé. On est parvenus à ouvrir suffisamment pour que je puisse me faufiler et j’ai sauté. Heureusement, le train n’allait pas vite, j’ai dû avoir quelques égratignures. J’ai retrouvé Leïla quelques kilomètres plus haut. Elle était morte, et son corps…
    
    L’homme ressortit son mouchoir.
    
    — Je l’ai prise sur mon dos et je l’ai emmenée. J’ai marché, marché. Des paysans m’ont aidé. Nous l’avons cachée dans un caveau au cimetière de leur village. J’ai dû attendre la fin de la guerre pour la faire enterrer décemment. J’ai rejoint un groupe de maquisards dans le Vercors. J’ai tenu grâce à leur chef, notre chef, un homme qui s’était déjà battu pendant la première guerre mondiale. Il y avait gagné une sagesse qu’il diffusait en nous donnant des cours de yoga. Entre nous, on l’appelait « le promeneur ...