Le dernier des Gédail
Datte: 01/09/2019,
Catégories:
nonéro,
délire,
Humour
Auteur: Domi Dupon, Source: Revebebe
... Ben, plus ou moins ! D’ailleurs si je n’avais pas été occupé à faire passer un aviateur anglais en Espagne, j’aurais pu sauver mes parents ou subir le même sort qu’eux. C’était un drôle de corps, mon pilote. Quand je l’ai réceptionné, je me suis dit que si les Rosbifs avaient déjà mobilisé les vieux, on était mal barrés. En fait, il devait avoir la quarantaine, mais pour moi c’était un ancêtre avec ses cheveux clairsemés. Il m’a bien fait rire avec son nom : Roby K. Hobbit. K pour Ken, je lui ai demandé. Son père était un drôle de coco. Roby étant l’aîné, il l’avait baptisé Roby-one. Sa sœur s’appelait Helen-two, et son cadet, George-three. Vraiment un bon gars. Pour un compatriote de sa gracieuse queen, il parlait bien français. Je me rappelle la phrase qu’il m’a dite avant qu’on se sépare : « À tes intuitions te fier, il faut. » Il avait raison. J’aurais dû l’écouter : Leïla et Jan seraient là aujourd’hui.
— Donc vous avez réussi à le faire passer en Espagne.
— Té, évidemment !
— Vous savez ce qu’il est devenu ?
— J’ai appris après la guerre qu’il avait trouvé la mort dans un raid sur Essen. On a jamais retrouvé son corps. J’ai passé… enfin, c’est le passé.
Montrant son verre et celui de son voisin :
— Marius, tu remets une tournée.
— Après la mort de vos parents, qu’avez-vous fait ?
— Qu’est-ce que vous vouliez que je fasse ? Les Schleus avaient tout brûlé… Je suis retourné dans la montagne où j’avais laissé mon pilote. On devait attendre la nuit pour ...
... traverser la frontière. Il m’a proposé de l’accompagner. Mais y’avait le maquis, Jan, et surtout Leïla… Enfin, pour le maquis, c’était surtout Leïla et moi. Jan, c’était plutôt le côté marché noir qui l’intéressait. Mais il en pinçait tellement pour Leïla. Té, moi aussi. Enfin jusqu’à ce fada de Vador… Faut dire que c’était un sacré morceau, la minotte. Tous les marlous craquaient pour elle. Et cette crapule, dans sa tenue de gestapiste qui m’annonce qu’elle est ma sœur…
— Votre sœur ?
— Yes sir, ma sœur ! Et moi qui guinchais avec elle la veille encore, en lui pelotant les fesses. J’l’ai pas cru ! C’est pour ça que j’ai voulu lui casser la gueule. Mais impossible de lui foutre mon poing sur sa face de carême. Le poing suspendu en vol. Et de m’expliquer qu’il avait rencontré ma mère… enfin, pas ma mère mais la sœur de mon père… parce que mon père n’était pas mon père mais mon oncle. Et que ma mère n’était pas ma mère mais sa belle-sœur, la femme de mon oncle, donc ma tante. Enfin, vous voyez ce que je veux dire…
— Un peu compliqué, mais jusque là je vous suis. Et Leïla, dans l’histoire ?
— Nous étions jumeaux selon lui. Il galéjait. Leïla, elle était belle comme un cœur…
L’ancien ne put retenir une larme à cette évocation.
— … alors que moi… on connaissait pas encore les zizigotes à ce moment-là ! Ma mère, la vraie, ma génitrice comme on dit aujourd’hui, selon lui, elle était morte en couches. Ma sœur avait été adoptée par une riche famille. Moi, c’est mon oncle qui m’avait ...