1. Le dernier des Gédail


    Datte: 01/09/2019, Catégories: nonéro, délire, Humour Auteur: Domi Dupon, Source: Revebebe

    La scène se passe dans un bistrot peut-être quelque part dans le Sud de la France au début des seventies. Un vieil homme accoudé au bar, un verre de pastis devant lui, s’adresse à un jeune homme qui boit une bière.
    
    — Luc, je suis ton père, qu’il me déclare, comme ça.
    
    Sans attendre, il rajoute :
    
    — Il faut que je te parle. Mon père ! Mon père, il était fermier. Un p’tit fermier qui se crevait la paillasse pour essayer de nous nourrir et qui s’est fait flinguer par les nazis parce que soi-disant il fricotait avec le maquis. Un maquisard, il n’en avait jamais vu…
    — Arrête, Luc ! Tu ennuies monsieur !
    
    Le barman se tourna vers l’autre consommateur :
    
    — Il faut pas lui en vouloir, il…
    — Non, non, il ne m’ennuie pas du tout. Continuez, Monsieur, s’il vous plaît.
    — Il était complètement fada, le mec ! Déjà sa gueule : t’avais l’impression qu’il portait un masque de carnaval ! ’tention, pas un de ceux qui font rire ; pour ça, non. Tu l’rencontres le soir au coin d’une rue, tu fais dans ton falzar et tu prends tes jambes à ton cou. Et sa voix, j’te raconte pas, petit. Le mec qui fume un paquet de gris par jour, il a la voix plus veloutée. T’avais l’impression qu’il venait d’finir l’ascension du Ventoux en portant un sac de 50 kilos de patates sur le dos.
    — Et de quoi voulait-il vous parler ?
    — M’interromps pas, petit, tu brouilles ma pensée. Voilà ! Qu’est-ce que je disais ?
    — Cette personne disait qu’il était votre père.
    — Ouais. Peuchère, le mec ! Il était mon ...
    ... père, mais surtout, il portait un uniforme de la milice. Tu sais, petit, les salauds qui s’étaient trompés de côté. Et il vient me dire qu’il est mon père, qu’il sait que je magouille dans la Résistance avec mes potes Jan et Leïla (notre princesse) et que je fais la connerie de ma vie. Il me dit qu’il faut que je le rejoigne, que je persuade Leïla, qu’ils ont la force de leur côté. La force, pour sûr qu’ils l’avaient de leur côté. Mais la force du mal, la force du côté obscur. Nous, on se battait pour retrouver la Lumière. Par la Bonne Mère, ce suppôt de Satan, je lui aurais volontiers cassé la figure. J’ai commencé à lever le poing. Mais je sais pas ce qui s’est passé. Paralysé, le gars Luc. Peut-être que ce qu’il avait dit comme quoi j’étais son fils… Enfin, j’ai pas pu.
    
    Le vieil homme se tut, perdu dans ses pensées.
    
    — Et alors ?
    — C’est que j’commence à avoir la gorge sèche.
    — Vous voulez boire quelque chose ?
    — Ce s’rait pas d’refus, mon petit.
    — Garçon ? Qu’est ce que vous voulez ?
    — Un pastaga, Marius ! Et pas ta bouteille pour les Parisiens ! Un Ricard, un vrai. Et ne le noie pas.
    
    L’homme vida son verre d’un trait et reprit :
    
    — Où j’en étais ? Ah oui ! Mon père, déjà je m’appelais Gédail, pas Vador. En plus, avec un prénom… Dragomir. Les miliciens l’appelaient Dag ! Dag Vador ! Un estranger, quoi ! Un de ces buveurs de sang ! Un Transylvanien, un truc comme ça ! Tu vois ma mère fricoter avec ce métèque ?
    — Alors, vous, vous étiez dans la Résistance ?
    — ...
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