Tango des ombres du désir - Histoires de Sexe

Tango des ombres du désir

... l’ivresse par la seule densité de présence. Je n’étais pas le seul à être ainsi troublé.

— Je suis aussi ému, a fini par avouer Rafael après avoir absorbé le breuvage, que la première fois où une fille s’est déshabillée pour moi…

Il ne s’adressait qu’à moi, mais Électre à l’ouïe fine l’a entendu et fait semblant de croire qu’il parlait à tout le monde.

— Raconte-nous, alors, a-t-elle proposé.
— Bah, rien de bien original. Elle était belle, mais pas autant que toi, loin de là.
— Merci !
— Tu t’en es bien rendu compte : tout le monde ici est attiré par toi.

Sans doute gênée par le compliment, elle détournait toujours la conversation lorsque quelqu’un glissait un hommage à son charme un peu trop appuyé.

— Mais, cette belle, comment elle s’appelait ?
— Rose, comme sa peau, une fois nue. Rose pâle, presque blanche, une fleur tout juste éclose, toute fraîche et diaphane, et parce que je lui plaisais, elle est allée vers moi et m’a pris par la main et c’est à moi qu’elle a fait la joie d’ouvrir la porte de son jardin de chair pour la première fois. Elle était sublime.

Même à la seule lueur de la Lune, on voyait bien qu’il rougissait autant que la fleur du même nom que l’on offre pour exprimer le désir amoureux. En évoquant ce souvenir, il avait l’impression de revivre la scène, de sorte qu’il bandait dans la pénombre. Des images pornographiques lui sont revenues, s’imposant à son esprit, et il transpirait visiblement, de sorte qu’il a dû faire une pause pour ...

... laisser passer son trouble. Il a toujours été obligé de faire un effort pour vaincre sa timidité devant les filles.

— Elle a été la première avec laquelle j’ai véritablement vécu l’expérience du sexe, mais avant, il y en a eu d’autres avec lesquelles… enfin, j’avais un talent particulièrement précoce, c’est du moins ce que les gens disaient. Alors, je les dessinais, comment dirais-je, complètement nues… Elles m’inspiraient toutes – surtout les plus mignonnes. Encore que, une fois dénudées, même celles qui semblaient les plus modestes, celles que personne ne regardait, révélaient souvent des charmes insoupçonnables. Bloc-notes en mains, je les amenais se cacher dans les buissons, aux beaux jours, ou bien dans les toilettes : même un cadre glauque ne me dérangeait pas, seule comptait la fille à mes yeux. Elles prenaient la pose et se laissaient faire, parce qu’elles trouvaient que mes dessins étaient jolis, et j’avais du succès à cause de cela. Je leur donnais mes dessins, ou bien ils atterrissaient en douce entre les mains des copains, ce qui me rendait populaire.

Mais le plus bel épisode, je ne vous l’ai pas encore raconté…

Il a marqué un temps d’arrêt afin de savourer l’attention dont il était l’objet. Le fait de parler en public était pour lui en même temps un trouble et un délice, à cause de la présence d’Électre.

— Il est même arrivé qu’un beau jour, a-t-il repris, une enseignante s’est laissée tenter pour être mon modèle, dans le plus simple appareil. Elle a ...