1. Quand résonne le bourdon


    Datte: 31/07/2019, Catégories: fh, hdomine, historique, policier, Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe

    ... Walsenhütt promène un regard torve sur ses interlocuteurs. Il n’a décidément pas apprécié d’être mis au secret depuis l’aube, regroupé avec ses compagnons, sous la garde des soldats du Comte et d’un moinillon bedonnant leur interdisant d’échanger la moindre parole. Pas aimé non plus d’être le dernier à être reçu par les inquisiteurs. Et se retrouver dans cette petite pièce noircie par les suies des chandelles, face au Prévôt des Heiligenstein et à un moine, fusse-t-il le Supérieur d’une abbaye renommée, pour raconter les frasques d’un de ses pairs, l’agace plus que tout. Il est homme à considérer que le commun des mortels n’a pas à connaître les mœurs de ses maîtres.
    
    Finaud, le Révérend Père Augustus subodore les réticences de son noble interlocuteur. Pour vaincre ses a priori, l’ecclésiastique glisse un commentaire flatteur, flatteur mais orienté :
    
    — Chevalier, je comprends combien il vous est pénible de relater les… débordements d’un de nos pairs, mais le Duc de Saxe m’a récemment assuré de votre indéfectible loyauté pour le Saint Empire.
    
    Une vive surprise se lit sur le visage du chevalier à l’évocation de son suzerain. Le moine explique :
    
    — Nous entretenons, lui et moi, une correspondance étroite, et pas uniquement comme cela peut en être coutume entre un parrain et son filleul. La paix et la prospérité de chaque Province sont essentielles pour l’Empire, et le Prince Électeur de Saxe, qui est, comme vous le savez, très proche de notre Kaiser Conrad, tient à ...
    ... être informé de chaque événement pouvant remettre en cause la stabilité desdites Provinces. Pour celle-ci, il me revient de lui en rendre compte. C’est là l’origine de nos correspondances. Et dans une de ses dernières missives, Henri le Lion, Duc de Saxe m’avait, entre autres choses, expliqué votre mission parmi nous et assuré de toute la confiance qu’il vous accorde.
    
    Le religieux savoure l’effet de ses révélations : d’obséquieux et hautain, le chevalier s’est dans l’instant transformé en vassal attentif, respectueux et terriblement soucieux de complaire au noble parent de son suzerain, de surcroît représentant, par délégation en quelque sorte, du pouvoir impérial. Jouissant de son effet, le bon Père continue :
    
    — Or, le terrible et lâche assassinat du Comte est de ces événements qui peuvent ébranler l’ordre établi : il importe pour chacun d’entre nous d’en identifier les réelles raisons. Selon qu’elles s’avèreront crapuleuses ou politiques, nos réactions et comportements seront bien différents, vous en conviendrez.
    
    Notant l’assentiment muet de son interlocuteur, l’ecclésiastique se lève et énonce d’une voix ferme :
    
    — Nous osons donc espérer que vous nous relaterez tous les événements de la soirée dans les moindres détails. Et c’est à nous qu’il reviendra de juger de l’importance de chaque broutille.
    
    L’avertissement est clair et le preux chevalier l’a bien compris. Sans se faire prier davantage, le noble raconte :
    
    — Le Comte Ulrich était d’humeur gaillarde hier ...