1. Quand résonne le bourdon


    Datte: 31/07/2019, Catégories: fh, hdomine, historique, policier, Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe

    ... respiration, avant de se disperser aussi prestement qu’un vol d’étourneaux. La cour dîmière se trouve vide, en quelques instants à peine, comme si un vent de norois s’était soudain levé, transperçant les corps et les cœurs.
    
    Sur le bord de sa fenêtre, la couturière s’amuse du grand courage des villageois ! Le Démon en personne n’aurait pu leur faire plus d’effet !Le prévôt est sale engeance, pensa-t-elle,mais il ne mérite pas qu’on capitule ainsi !
    
    C’est alors que Sylvette remarque l’absence du vannier.
    
    Posant la robe sur l’appui de sa fenêtre, la jeune femme en saute prestement et se dirige vers la maison de l’artisan. Elle entre sans frapper, se cale dans le chambranle de l’entrée, à contre-jour, et apostrophe l’homme, qui au fond de la pièce lui tourne le dos :
    
    — Eh bien Bogass’, le Prévôt t’effraye toujours à ce que je vois !
    
    Dans l’ombre de sa tanière, le vannier repose doucement dans le baquet d’eau la louche dans laquelle il vient de s’abreuver. S’essuyant la bouche du revers de la main, il grommelle en se retournant :
    
    — Ce corbeau noir n’effraye pas Arbogast, mais Arbogast a peur pour toi !
    
    Traversant la pièce comme une flèche, Sylvette vient se planter juste devant lui. Les mains sur les hanches, elle l’apostrophe sans ménagement :
    
    — Ah non, Bogass’, non ! Pas aujourd’hui, pas avec moi ! Cesse ce manège ! Il est bon pour les autres, mais pas pour moi ! Et il n’y a que nous céans, alors inutile de jouer à l’idiot. Parle normalement ou je m’en ...
    ... vais ! Et pour le coup, cesse aussi ces grimaces qui t’enlaidissent ! Et tiens-toi droit !
    
    Les mains calées sur les hanches, la jeune fille toise le bonhomme, bien que celui-ci, s’étant relevé, la dépassât alors d’une bonne coudée. Surpris par cette véhémente apostrophe, Arbogast baisse néanmoins la tête, adopte une mine d’enfant contrit et bredouille :
    
    — Ce… Ce n’est pas ma faute. Je ne dois pas me découvrir, et pour toujours parler ainsi, je pense même de cette façon, à tous moments. C’est devenu naturel pour moi.
    — Je connais et comprends tes raisons, et ton manège fourvoie tout le monde ! Soit ! Mais, cela dit, il y a, à part moi, une autre personne que tu ne trompes pas, qui connaît ta valeur réelle : le Supérieur de l’Abbaye, lui qui t’a instruit et pris sous son aile. Tu lui parles comment à lui ? Il ne s’étonne pas de te voir toujours jouer au fada ?
    — Fada ? répète, amusé, le vannier qui ne connaît pas le mot mais en soupçonne le sens.
    — Oui, fada, c’est un mot de chez moi, explique la jeune femme. Le fada, le simple, le simplet, le ravi, l’idiot du village si tu préfères !
    — Ah… J’entends ! Mais, pour te répondre, non, le Révérend Père ne dit rien. Il sait bien que je travestis ma nature, puisque c’est lui-même qui m’a conseillé et même ordonné de le faire, ou plutôt m’a enjoint à continuer toujours à jouer cette triste farce.Passer pour idiot aura plus d’avantages que de soucis pour toi, m’avait-il expliqué ! Plus d’avantages pour moi… et pour lui !
    — Pour ...
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