1. Quand résonne le bourdon


    Datte: 31/07/2019, Catégories: fh, hdomine, historique, policier, Auteur: Claude Pessac, Source: Revebebe

    ... était restée immobile, fesses décollées du lit, cuisses tendues. Ahuri, Arbogast avait vu la jeune femme se figer comme une statue avant de retomber, le corps en transe, sur la couverture rouge. Soufflant, râlant, balançant la tête d’un côté à l’autre, la jeune femme avait joui, bruyamment, sans retenue, ses mains s’agitant de plus belle, ses doigts s’enfonçant avec brutalité entre ses cuisses ouvertes. Arbogast avait joui avec elle, sa semence s’écrasant lourdement sur les planches de la cloison.Après que son propre plaisir l’ait laissé pantelant quelques instants et distrait du spectacle, Arbogast, se redressant, avait à nouveau risqué un œil entre les planches. Il avait vu la jeune fille, toujours face à lui, alanguie, promener doucement sa main sur son ventre, étalant de fait la semence répandue par le Comte. Lequel Comte, énervé, remettait hâtivement ses chausses.— Tu es diablesse, hérétique, pour te tordre ainsi sans honte ni retenue. Tu as voulu te jouer de moi, mais tu ne l’emporteras pas au Paradis. Je reviendrai et te sabrerai jusqu’à ce que tu réclames grâce !La jeune fille n’avait pas répondu, mais son sourire s’était transformé en ricanement dès que le Comte eut quitté la masure. Tranquillement, elle se …
    
    Des cris retentissent dans la cour, interrompant les souvenirs du rêveur. Parmi les groupes de manants, la rumeur galope : "quelqu’un" a donc vengé la petite Margret, violée, battue et tuée deux semaines plus tôt, le jour même de seize ans ; vengé aussi ...
    ... toutes les femmes violentées par le Comte, vengé encore tous les pauvres hères, victimes de ce félon ou de la justice expéditive du Prévôt à sa solde. Vingt-cinq ans de rancœurs accumulées, vingt-cinq années d’humiliations, d’injustices, de brutalités, de viols, de rapines, se sont cristallisées en un instant : "Vengeance" crient certains, "Justice" braillent d’autres. Des clameurs juste assez ambiguës pour ne faire courir aucun risque à leurs auteurs : qu’elles parviennent aux oreilles du château, elles y seront entendues comme l’expression d’un bon peuple pleurant la mort tragique de son vénéré seigneur !
    
    Mais soudain, un silence glacé s’abat sur les gueux, un silence pesant, dense, qui fait résonner comme au plus profond de la nuit les claquements des sabots d’un cheval au pas. Tout de noir vêtu, comme à son habitude, le prévôt des Holstein vient de faire son entrée dans la cour dîmière. L’officier se tient raide comme la Justice sur sa monture, toisant sans les regarder les manants qui, respectueusement, servilement, inclinent la tête et s’écartent à son passage. L’équipage se dirige, lentement, vers la seconde enceinte du château, vers le pont-levis intérieur. Sur les madriers du pont, les sabots claquent encore plus fort, et un frisson parcourt l’assemblée. Puis le cavalier disparaît, enfin, sous les arches de grès roses de la seconde muraille, en direction du corps de logis seigneurial.
    
    Comme un seul homme, toutes les personnes présentes reprennent alors leur ...
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